De l’unité dans la diversité à la contradiction entre peuples “ indigènes ” et peuple

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U-HAQUN

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De l’unité dans la diversité à la contradiction entre peuples “ indigènes ” et peuples colonisateurs : Quel présent pour quel avenir ?



Il est avéré qu’au sein de chaque mouvement social se développent des positions et des points de vue qui peuvent parfois déboucher sur des contradictions. C’est là une règle générale, qui s’applique également au mouvement amazigh. Il n’est pas nécessaire, cependant, de se focaliser sur les limites des liens entre le “ politique ” et le “ culturel ” pour définir la nature-même de ses orientations. Cette approche paraît, de prime abord, erronée. L’angle d’approche doit, à notre sens, s’attaquer à une autre problématique, à savoir : quelles sont les lignes de démarcation entre un courant “ modéré ” et critique, mais qui aspire à une démocratisation de l’Etat et de la société, tout en insistant sur le droit de toutes les composantes à l’exercice de leurs choix et orientations suivant des règles préétablies, et un courant “ extrémiste ”, qui essaie de reproduire un “ contre-nationalisme ” basé sur le concept de la “ nation amazighe ”.



Quand on évoque l’intégrisme amazigh, il s’agit avant tout du courant extrémiste du mouvement amazigh qui essaie d’en détourner le parcours et de l’éloigner du processus de lutte pour la démocratie. Par conséquent, la problématique qui se pose est, par essence, politique et non culturelle, comme on veut le faire croire.
L’intégrisme n’est pas essentiellement et uniquement lié aux mouvements religieux. Il s’exprime sous différentes formes, qu’elles soient religieuses, politiques ou culturelles. Cette constatation permet de définir l’intégrisme comme “ une sensibilité qui refuse de s’adapter à des situations données et s’appuie sur une lecture passéiste du patrimoine culturel, religieux, politique ou juridique ”. A cette définition, il est nécessaire, cependant, d’apporter trois observations de taille :.
- tout intégrisme s’appuie sur un patrimoine qu’il sacralise ;
- tous les intégrismes ont pour point commun, la sacralisation du passé et, par là-même, refusent de s’adapter à la réalité ;
- tous les intégrismes ont pour point commun le refus de l’autre.
Ces observations s’appliquent aisément au courant extrémiste du mouvement amazigh que nous qualifions d’intégriste. A notre sens, l’intégrisme amazigh est l’incarnation de l’extrémisme au sein du mouvement amazigh, qui essaie de dénaturer la lutte pour l’édification de l’Etat de droit et de la démocratie, en reproduisant une philosophie dictatoriale qui renie le pluralisme des idées.

Le cadre de l’intégrisme amazigh

Les conditions qui génèrent tous les intégrismes sont sensiblement identiques. Quand nous évoquons l’intégrisme amazigh, nous nous trouvons, non pas devant un courant national, mais bel et bien devant un mouvement régional, puisque l’implantation amazighe concerne sept nations africaines. Mais nous ne traiterons que deux de ces pays, en l’occurrence l’Algérie et le Maroc, où ces mouvements sont les plus importants, tant du point de vue politique qu’organisationnel. Dès lors, la question qui se pose est la suivante : dans quel cadre l’intégrisme amazigh s’est-il créé ?
Il y a à cela deux facteurs essentiels : un besoin non satisfait et une réaction à l’égard de l’idéologie de l’arabisme.

Un besoin non satisfait

L’intégrisme amazigh répond à un besoin politique et culturel non satisfait. De prime abord, c’est le facteur culturel qui prime, au sens où ses origines remontent aux conditions de l’édification de l’Etat-nation. Même si ces conditions ont connu quelques dérapages au Maroc ou en Algérie, le souci majeur de cette édification demeurait l’attachement à l’union ou à l’unité à tous les niveaux. Ce souci a imposé un centralisme administratif et une monopolisation du pouvoir de décision politique. Cette orientation a été suivie par des tentatives d’unification culturelle. Et, dans ce sillage, les spécificités ont été purement et simplement sacrifiées. Donc, ce besoin culturel non satisfait trouve ses origines dans la contradiction entre la politique culturelle appliquée et les cultures politiques qui traversent la société. Or, la société connaît un pluralisme politique, alors que le pouvoir politique a élaboré et appliqué une politique culturelle unidimensionnelle, selon la même logique qui sous-tend l’édification de l’Etat-nation. Les racines de l’intégrisme amazigh remontent à cette contradiction entre l’unipolarité de la politique culturelle et le pluralisme des cultures politiques. Face à cette situation, le pouvoir politique en Algérie et au Maroc a essayé, toutefois, de se rattraper, en répondant partiellement à certaines doléances culturelles, mais selon des calculs politiciens. Or, cette réaction a été tardive puisque, entre-temps, le besoin culturel s’est vite transformé en besoin politique non satisfait.
 
Réaction contre l’arabisme

L’intégrisme amazigh est d’abord apparu en Algérie, avant de gagner le Maroc. Ceci est dû au fait que l’arabisme s’est implanté en Algérie avant le Maroc, en réaction à la politique du colonialisme français, qui voulait anéantir toute expression de l’identité algérienne. C’est pour cela que l’arabisme a conquis le mouvement de libération nationale algérien, pour devenir ensuite l’idéologie dominante de l’Etat. Cette orientation a été accentuée par l’effet du nassérisme en Egypte et du baâssisme en Syrie et en Irak, obligeant l’Algérie à s’attacher à son idéologie, qui a fini par céder sous les coups de boutoir des manifestations populaires du début des années 80.
Au Maroc, en revanche, la situation était sensiblement différente. En effet, dans le cadre de son combat contre le courant nationaliste arabe, le pouvoir politique a instrumentalisé l’appartenance islamique aux dépens de l’arabisme. Cette orientation devait perdurer tout au long des années 60 et jusqu’au début des années 70. Mais, avec l’éclipse du nassérisme et la liquidation de son patrimoine par Sadate, les autorités marocaines ont commencé, pour des raisons internes, à partir de 1973, à utiliser la carte de l’arabisme, ne serait-ce que dans son aspect formel. Cette orientation a été dictée par des considérations régionales, en sus des conditions internes issues des deux tentatives de putsh de 1971 et 1972, dont l’aspect amazigh n’est plus à démontrer.
Ces deux facteurs ont été déterminants dans la naissance et le développement de l’intégrisme amazigh. Mais une autre question se pose : n’y avait-il pas en ce moment d’autres expressions du courant amazigh ?
Nous pouvons considérer que le courant amazigh officiel a amplement contribué à la scission au sein du mouvement amazigh en général. En effet, au moment où les pouvoirs publics essayaient de sauvegarder les équilibres en s’appuyant sur ce courant officiel, ce dernier a naturellement produit son contraire, incarné par l’intégrisme amazigh. Ce dernier s’est vite détaché du socle qu’il commençait à qualifier de courant conservateur de droite. Trois courants bien distincts forment aujourd’hui le mouvement amazigh :
- le courant amazigh officiel, qui fait le jeu des pouvoirs publics et contribue à sauvegarder les rapports existants ;
- le courant démocratique, qui essaie de contribuer au changement, à travers la démocratisation des institutions ;
- le courant extrémiste, qui essaie de reproduire l’ordre dictatorial mais sous un autre angle, c’est-à-dire celui de l’intégrisme.

Les principes de l’intégrisme amazigh

Pour cerner les contours de l’intégrisme amazigh, il faut suivre l’évolution globale du mouvement amazigh dans son ensemble.

De l’action au sein de l’Etat à l’action en dehors des institutions

Les observateurs de la question amazighe sont presque unanimes à affirmer que le mouvement amazigh est passé par trois étapes distinctes : l’étape des années 60-70 ; celle des années 70-80 et enfin, celle du début des années 90 à nos jours.
Cette classification est justifiée par la tentative de cerner la dynamique du mouvement amazigh et son évolution, tant du point de vue politique qu’organisationnel. Mais, seule, cette classification ne suffit pas, puisqu’il faut également s’atteler à suivre la nature même de son action, que ce soit au sein de l’Etat ou en dehors des institutions. C’est pour cela qu’il est plus intéressant de diviser cette évolution en deux périodes :

L’action au sein de l’Etat
Cette période est elle-même divisée en deux étapes. La première s’étale du début des années 60 au début des années 70. Pendant cette période, il était difficile de parler de mouvement amazigh, du fait de l’absence de conditions objectives et subjectives à son émergence. Même la création, en 1967, de l’Association marocaine de recherches et d’échanges culturels, ne signifiait pas pour autant la naissance d’un tel mouvement. Ceci, d’autant plus que l’Etat marocain s’opposait au nassérisme et à l’arabisme : cette orientation a différé toute idée de distinction entre Arabes et Amazighs.
En outre, les sensibilités amazighes ne se sont pas détachées politiquement des mouvements de gauche, qui prônaient la lutte des classes au dépens des considérations ethniques. L’analyse se fondait avant tout sur la distinction de classes (classe dominante-classe dominée), et non sur la distinction entre Arabes et Amazighs.
La deuxième étape commence à partir des années 70 jusqu’aux années 90, et est caractérisée par trois facteurs essentiels :
‡ l’émergence, à partir de 1973, d’une idéologie arabiste formelle installée sur les vestiges du nassérisme ;
‡ l’échec politique et organisationnel du projet de la gauche ;
- le développement du courant islamiste.
Ce sont, en général, ces facteurs qui déterminent l’évolution du mouvement amazigh, contraint de définir son message et d’arrêter ses orientations. C’est le cas de l’Association de la renaissance culturelle de Nador, de l’Association Tamainout pour la culture et les arts populaires de Rabat et de l’Association de l’Université d’été d’Agadir. Toutefois, la définition du message et la maîtrise des orientations ont donné lieu à des concertations, qui ont abouti à la signature, en 1991, de la charte d’Agadir par six associations. C’est sur la base de cette charte qu’a été constitué le comité national de coordination, en 1994, qui représente plus de 30 associations amazighes.
Cette action au sein de l’Etat s’exprime, d’ailleurs, par le contenu de la charte d’Agadir, qui définit le cadre général comme suit : “ Il essaie d’approfondir la vision des intéressés au sujet de la langue et de la culture amazighes, à partir des données historiques, idéologiques et civilisationnelles de la société marocaine, pour aboutir à des revendications à caractère urgent exprimées sur la base de la responsabilité nationale, pour atteindre une unité dans la diversité entre toutes les composantes ”.
Cette plate-forme résume, à elle-seule, les préoccupations du mouvement amazigh marocain. C’est pour cela qu’il nous paraît nécessaire d’insister sur la frontière entre ce qui est politique et ce qui est culturel. Mais c’est aussi la délimitation de la frontière entre l’action au sein de l’Etat, et celle qui opère en dehors des institutions, qui permet de distinguer entre le courant démocratique et le courant intégriste.
L’intégrisme amazigh incarne quelques expressions du mouvement amazigh global. C’est ce courant qui essaie d’agir en dehors des institutions. Quelles sont les raisons qui l’ont poussé à choisir cette voie, et comment cela s’est-il traduit concrètement ?
Le prélude à ce revirement, du point de vue théorique, est lié à la nature du débat sur l’identité marocaine. En effet, ce débat a donné lieu à trois approches :
• la prise en compte de la multiplicité dimensionnelle de l’identité marocaine, au sens où elle est amazighe, arabe et islamique.
• la nécessaire distinction entre les trois dimensions, dans le sens où elles ne figurent pas au même niveau : l’identité marocaine se présente avant tout comme identité amazighe, dont la religion est l’Islam et la langue est arabo-amazighe.
• l’identité marocaine est essentiellement amazighe et n’a donc aucun lien avec l’Islam et la langue arabe.
C’est cette troisième approche qui constitue le fondement théorique de l’intégrisme amazigh et est exploitée politiquement pour mettre en avant le concept des peuples indigènes, dont l’illustration organisationnelle est incarnée par le Congrès mondial amazigh.
 
L’action en dehors des institutions

L’intégrisme amazigh au Maroc ne s’est réellement exprimé politiquement que lorsqu’il a adhéré au concept des peuples indigènes. Cette prise de position est survenue lors de la tenue, en 1997, du Congrès de Vienne sur les droits de l’Homme, qui a examiné la question de la situation des Indiens d’Amérique. L’approche choisie a mis l’accent sur les rapports déséquilibrés entre un peuple indigène, dont les droits sont spoliés, et un peuple colonisateur, usurpateur de ces droits.
Cette approche a trouvé un large écho auprès de certaines sensibilités du mouvement amazigh. C’est le cas de l’Association Tamainoute qui a considéré, à partir de 1996, que le mouvement amazigh était une composante du mouvement mondial des peuples indigènes et qui, par conséquent, se présente comme un défenseur des droits du peuple amazigh.
L’adoption du concept des peuples indigènes a été accompagnée, du point de vue organisationnel, par la création du Congrès mondial amazigh. Cette naissance est l’illustration du revirement opéré par certaines composantes amazighes, qui préfèrent maintenant agir en dehors des institutions. Du coup, le concept de l’unité dans la diversité s’est transformé en contradiction entre peuple indigène (amazigh) et peuple colonisateur (arabe).
Cet intégrisme aspire, de ce fait, à agir sur l’imaginaire amazigh, à travers une tentative de reconstruction de la personnalité amazighe indépendante. Cette approche a conduit à adopter un discours qui mentionne l’existence d’une nation amazighe ayant sa propre langue et son propre système de valeurs, y compris dans son aspect juridique, et ses symboles historiques. Dans ce sillage, lors de la tenue, en décembre 1995, du colloque “ La Justice au Maroc ”, les représentants de ce courant ont insisté sur la nécessité d’adopter les lois coutumières amazighes comme source législative au Maroc.
Il est, par ailleurs, intéressant de souligner que l’intégrisme amazigh ne diffère pas des sensibilités qui ont émergé dans certains pays pour contrecarrer l’idéologie de l’arabisme. Ainsi en Egypte, pendant les années 70, certaines personnalités, dont Taoufik Al Hakim, Najib Mahfouz ou Louis Awad ont mis en avant le concept de l’origine “ pharaonique ” du peuple égyptien. En Tunisie, Habib Bourguiba avait insisté sur l’origine cartaginoise du peuple tunisien et, au Liban, on avait mis en exergue le caractère “ phénicien ” du peuple libanais. Par conséquent, il n’est pas étonnant de voir se développer au Maroc un mouvement qui s’accroche au caractère amazigh de la société marocaine.
Quand nous définissons l’intégrisme comme un courant qui refuse de s’adapter aux réalités et qui, pour des raisons qui lui sont propres, essaie de reconduire un Etat basé sur l’appartenance ethnique, au lieu d’un Etat-nation basé sur la division territoriale, nous pouvons aisément dire que cette approche fait le lit du néocolonialisme. Quand nous affirmons que l’intégrisme refuse l’autre, il s’agit, dans le cas du courant extrémiste amazigh, d’une haine manifeste à l’égard des Arabes, de la langue arabe et de l’Islam.
L’intégrisme amazigh, comme d’ailleurs tous les intégrismes, apporte des réponses erronées à la problématique de l’identité. Ces réponses ont besoin de sérieux rectificatifs, car elles déterminent en fin de compte le présent et même l’avenir de cet intégrisme.



Mohamed Darif
 
Il est, par ailleurs, intéressant de souligner que l’intégrisme amazigh ne diffère pas des sensibilités qui ont émergé dans certains pays pour contrecarrer l’idéologie de l’arabisme. Ainsi en Egypte, pendant les années 70, certaines personnalités, dont Taoufik Al Hakim, Najib Mahfouz ou Louis Awad ont mis en avant le concept de l’origine “ pharaonique ” du peuple égyptien. En Tunisie, Habib Bourguiba avait insisté sur l’origine cartaginoise du peuple tunisien et, au Liban, on avait mis en exergue le caractère “ phénicien ” du peuple libanais. Par conséquent, il n’est pas étonnant de voir se développer au Maroc un mouvement qui s’accroche au caractère amazigh de la société marocaine.


La petite différence que l'auteur oublie de préciser est qu'il n'existe aucun Tunisien qui parle punique, aucun Egyptien qui parle l'ancien egyptien et aucun Libanais qui parle le canaanéen....au dernière nouvelle l'amazighe est encore bien vivant. Se réclamer de sa culture et de sa langue n'est donc absolument pas comparable et ne relève certainement pas de l'intégrisme.




Cette approche a conduit à adopter un discours qui mentionne l’existence d’une nation amazighe ayant sa propre langue et son propre système de valeurs, y compris dans son aspect juridique, et ses symboles historiques.


Sans mauvaise foi, il me semble que c'est une réalité...



Quand nous définissons l’intégrisme comme un courant qui refuse de s’adapter aux réalités et qui, pour des raisons qui lui sont propres, essaie de reconduire un Etat basé sur l’appartenance ethnique, au lieu d’un Etat-nation basé sur la division territoriale, nous pouvons aisément dire que cette approche fait le lit du néocolonialisme.

Qu'appelle-t-il 'refuser de s'adapter à la réalité' ? Refuser de se soumettre au massacre de sa culture et à l'arabisation ?

Tout le discours officiel marocain du plus petit au plus haut niveau se base sur un discours ethnique qui a comme référence l'arabe, c'est vraiment l'hopital qui se fout de la charité !
Le mouvement amazigh ne demande pas mieux qu'un Etat basé sur les frontières marocaines qui respecterait toutes ses composantes culturelles, mais c'est l'Etat marocain lui-même qui adopte un discours ethnique arabe.

Quant à sa remarque sur le néocolonialisme, je ne comrpend pas ce qu'il veut dire.




Quand nous affirmons que l’intégrisme refuse l’autre, il s’agit, dans le cas du courant extrémiste amazigh, d’une haine manifeste à l’égard des Arabes, de la langue arabe et de l’Islam.


Puis-je lui rappeller que les mouvements gauchistes, communistes et athés sont les plus ardents défenseurs de l'arabisme, lui accordant plus d'importance que l'islam qu'en bons communistes-gauchistes ils rejettent ? Ce n'est pas l'apanache des Amazighes, il me semble.

Va-t-il les considérer comme intégristes aussi ?

Doit-on lui rappeller que Tamaynut et d'autres utilisent presque exclusivement l'arabe dans leurs communiqués et publications ? Drôle de preuve de haine de la langue arabe !

Je suppose que pour lui haïr la langue arabe, c'est refuser de la parler ? c'est militer pour développer la langue amazighe ?



Ce type est considéré comme "Expert des mouvements islamistes"...il ferait mieux de rester dans sa catégorie.
 
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