Dans la plus grande nation berbère du monde

agerzam

Administrator
Voici un article qui était parru dans CourrierInternational en 2001 :



Dans "la plus grande nation berbère du monde",
Les émeutes en Kabylie ont entraîné des manifestations de soutien au Maroc. Plutôt que de réprimer un mouvement berbère renaissant, Mohammed VI pourrait le canaliser afin de contrer les islamistes. DEMAIN MAGAZINE (extraits) Rabat
Non à l’arabité du Maroc !" ont scandé des manifestants dans les rues de Rabat, le 1er mai dernier. Quelques-uns portaient des tee-shirts affirmant (en français) "Je suis berbère" ; d’autres n’ont pas hésité à manifester devant l’ambassade d’Algérie, à Rabat, pour soutenir les Kabyles de ce pays. Y aurait-il eu ce genre de manifestations sans le drame kabyle et ses morts ? Difficile de répondre. Quoi qu’il en soit, le combat des Berbères marocains pour la reconnaissance de leur identité monte lentement en puissance.
C’est en 1967 que naît la première association résolument berbériste, l’Association marocaine de recherches et d’échanges culturels (AMREC). Le groupe d’étudiants et d’enseignants berbères qui fondent l’AMREC évite soigneusement de rajouter le mot "berbère" au nom de l’association. A l’époque, cela aurait été inimaginable.
En 1971 et 1972, les deux coups d’Etat qui ébranlent le régime d’Hassan II et, trois ans plus tard, la récupération par le Maroc du Sahara [occidental], qui devient la "cause nationale" par excellence, font taire les autres revendications. C’est à la fin de cette décennie, que d’anciens militants d’extrême gauche fondent l’association Tamaynut, qui va en peu de temps se structurer pour devenir aujourd’hui, avec 4 500 adhérents, le premier mouvement associatif berbère du Maroc.
En 1979, une obscure commission de la Chambre des députés approuve la création d’un Centre d’études berbères. L’idée en restera au stade des bonnes intentions. Mais qu’importe, le mot est prononcé dans l’enceinte législative. Et, quelques mois plus tard, des militants berbères encouragés par cette brèche créent, à Agadir, la première université sur l’amazighité [berbérité]. Mais, en 1982, le poète Ali Sedki, qui a publié un article sur l’histoire du berbère, est arrêté et condamné à un an de prison. L’AMREC et l’université d’été d’Agadir prennent peur et gèlent, en partie, leurs activités. Et le militantisme berbère entre une nouvelle fois dans un long sommeil, qui ne prendra fin qu’en 1991, quand six associations se réunissent à Agadir et élaborent un projet de charte pour la culture et la langue amazighes. Ce texte demande, entre autres, que le tamazight devienne "langue nationale du Maroc".
Le 1er mai 1994, lors du défilé du 1er-Mai à Er Rachidia, dans le sud-est du pays, des sympathisants de l’association Tilelli, arborent des pancartes en tamazight et crient des slogans hostiles à l’enseignement de l’hébreu dans les universités marocaines - "alors que celui du berbère est ignoré". Les jours suivants, la répression s’abat sur les militants : sept d’entre eux sont arrêtés, jugés et condamnés. En réponse, des réactions en faveur des manifestants d’Er Rachidia se multiplient et, à la fin du mois, les berbéristes défient ouvertement le pouvoir en organisant à Casablanca une conférence sur le thème "Information nationale et tamazight".
Cette tension ne reste pas sans effet. Le Palais laisse faire et, quelques jours avant le discours royal du 20 août [1994], on demande à l’AMREC d’élaborer un document avec des revendications précises. Et, effectivement, lors de son discours, Hassan II fait l’éloge des dialectes berbères et annonce que dorénavant le tamazight sera enseigné dans les écoles primaires. Mais, encore une fois, l’intention, restera lettre morte. Seule la décision de diffuser des journaux télévisés de douze minutes dans les trois dialectes (tarifit pour le Rif, au nord ; tamazight pour le centre-est ; et tachelhit pour le sud) est menée à terme.
C’est à partir de ce moment qu’entre en action Mohamed Chafik, universitaire et académicien du royaume. Chafik, qui a publié deux volumes du premier dictionnaire arabe-tamazight, "prend l’affaire en main". Certains militants berbéristes croient que Chafik n’a pas décidé tout seul d’abandonner une retraite dorée pour un combat incertain et a sûrement été "envoyé" par le Palais pour canaliser les revendications amazighes. Et certains d’affirmer que le "Manifeste" qu’il élabore en mars 2000 et qu’il présente comme "une initiative personnelle" n’est en fait qu’une bulle envoyée par le pouvoir pour tester la réaction de l’opinion publique.
Mais, avant d’arriver à inscrire le tamazight dans la Constitution et de commencer un travail d’unification des dialectes, il faudrait se mettre d’accord avec les autres Berbères de la région : les Kabyles d’Algérie, les derniers Berbères de Tunisie et de Libye, et même d’Egypte. "Certes, dit un militant de Tamaynut, le Maroc est la plus grande nation berbère du monde, mais il ne faut pas que, dans ce cas précis où entrent en jeu une langue et une culture communes, il y ait de l’hégémonie." Les militants amazighs marocains, sont d’accord sur une seule chose : leur combat est "intégrationniste". Une bonne chose pour le pouvoir marocain, qui ne veut pas d’une guéguerre entre berbéristes et "arabistes". Ce qui l’intéresse le plus, c’est de pouvoir compter le jour venu sur une forte composante de la société marocaine qui ne soit pas contre lui, pour contrer une autre composante qui menace, ou menacerait, le vieux système politique marocain : les islamistes.

Thami Afailal

Courrier International 17/05/2001, Numero 550
 
Voici le commentaire de Reporters Sans Frontières sur les conséquences de cet article + un autre commentaire sur un article au sujet des Berbères dans Le Figaro :


Le numéro de l’hebdomadaire français Courrier International, daté du 17 mai 2001, est saisi par les autorités qui n’ont fourni aucune explication. Il contenait un article intitulé "Dans la plus grande nation berbère du monde" (tiré de l’hebdomadaire marocain Demain Magazine, daté du 12 mai 2001) qui traitait de la question berbère au Maroc. Le texte était accompagné d’une caricature du roi Mohammed VI. Elle ne figurait pas dans le magazine marocain qui a été distribué normalement.


L’édition du quotidien français Le Figaro datée du 5 juillet 2001 est censurée à l’imprimerie Al Amal de Casablanca. L’imprimerie appartient à la société d’édition Sochepresse. La version marocaine du journal est imprimée au Maroc. Dans le journal, un article traitait des Berbères. Il a été remplacé par une page de publicité. La mise en page de la une a également été modifiée afin de couvrir l’accroche de cet article. Al Amal a annoncé que c’était "une erreur technique".
 
agerzam a dit:
Voici le commentaire de Reporters Sans Frontières sur les conséquences de cet article + un autre commentaire sur un article au sujet des Berbères dans Le Figaro :


Le numéro de l’hebdomadaire français Courrier International, daté du 17 mai 2001, est saisi par les autorités qui n’ont fourni aucune explication. Il contenait un article intitulé "Dans la plus grande nation berbère du monde" (tiré de l’hebdomadaire marocain Demain Magazine, daté du 12 mai 2001) qui traitait de la question berbère au Maroc. Le texte était accompagné d’une caricature du roi Mohammed VI. Elle ne figurait pas dans le magazine marocain qui a été distribué normalement.


L’édition du quotidien français Le Figaro datée du 5 juillet 2001 est censurée à l’imprimerie Al Amal de Casablanca. L’imprimerie appartient à la société d’édition Sochepresse. La version marocaine du journal est imprimée au Maroc. Dans le journal, un article traitait des Berbères. Il a été remplacé par une page de publicité. La mise en page de la une a également été modifiée afin de couvrir l’accroche de cet article. Al Amal a annoncé que c’était "une erreur technique".


Je crois que j'ai pas tout compris :rolleyes:

Est ce que l'article a été diffusé au Maroc et seule la caricature a été interdite?
 
Oui seul la caricature du Roi a été enlevée.

Quant au Figaro, c'est tout l'article sur les Amazighs qui fut remplacé par une page de pub !
 
agerzam a dit:
Oui seul la caricature du Roi a été enlevée.

Quant au Figaro, c'est tout l'article sur les Amazighs qui fut remplacé par une page de pub !


Et je pari que cette pub n'était pas en berbere....

Mais je dois avouer que je suis étonnée que ce genre d'article soit publier au Maroc, il y une certaine liberté de ton, jusqu'à l'instrumentalisation des imazighns par le pouvoir...

Je ne pensais pas que c'était possible, c'est une bonne chose...
 
merci pour le sujet

"Ce qui l’intéresse le plus, c’est de pouvoir compter le jour venu sur une forte composante de la société marocaine qui ne soit pas contre lui, pour contrer une autre composante qui menace, ou menacerait, le vieux système politique marocain : les islamistes"

comme si on avait d'un coté les "islamistes" et de l'autre les berbères.....

n'y-a-t-il pas des "islamistes" berbères....?!

Il y a bien longtemps ibnou Toumert était à l'origine d'une révolution de type religieux au Maghreb, comment le qualifierait-on à notre époque?

d' "islamiste" ? certainement...

En tout cas, c'était un berbère qui fut à la base de l'empire almohade et qui rédigea des traités en tachelhit....eh oui, et ce n'était pas chose étonnante comme certains voudraient nous le faire croire...il écrivit "al mourchida" (la Directrice), "at Tawhid" (concept de l'unicité divine, du monothéisme pur) etc....Son surnom était Asafu...

Certains jouent avec le feu, ils s'y brûleront les doigts.....ça promet!
 
Moi perso je ne suis pas du tout contre le fait qu'il y ai des Amazighs chez les Islamistes, le problème c'est que dans 90% des cas cela s'accompagne aussi d'un rejet de la langue Tamazight.

A quand des islamistes amazighes qui promettent de promouvoir Tamazight et sans l'obliger hypocritement à être un sous-arabe ?
 
tamayyourt a dit:
"Ce qui l’intéresse le plus, c’est de pouvoir compter le jour venu sur une forte composante de la société marocaine qui ne soit pas contre lui, pour contrer une autre composante qui menace, ou menacerait, le vieux système politique marocain : les islamistes"

comme si on avait d'un coté les "islamistes" et de l'autre les berbères.....

n'y-a-t-il pas des "islamistes" berbères....?!

Il y a bien longtemps ibnou Toumert était à l'origine d'une révolution de type religieux au Maghreb, comment le qualifierait-on à notre époque?

d' "islamiste" ? certainement...

En tout cas, c'était un berbère qui fut à la base de l'empire almohade et qui rédigea des traités en tachelhit....eh oui, et ce n'était pas chose étonnante comme certains voudraient nous le faire croire...il écrivit "al mourchida" (la Directrice), "at Tawhid" (concept de l'unicité divine, du monothéisme pur) etc....Son surnom était Asafu...

Certains jouent avec le feu, ils s'y brûleront les doigts.....ça promet!


-tu te perds dans des concepts: race, langue et culture, courant politique.

-on a d'un cote l'Amazighite et de l'autre cote l'islamisme et l'arabisme.
 
agerzam a dit:
A quand des islamistes amazighes qui promettent de promouvoir Tamazight et sans l'obliger hypocritement à être un sous-arabe ?

C'est vrai qu'une burka avec des petits motifs en tifinagh ca passe mieux.......:rolleyes:
 
"Moi perso je ne suis pas du tout contre le fait qu'il y ai des Amazighs chez les Islamistes, le problème c'est que dans 90% des cas cela s'accompagne aussi d'un rejet de la langue Tamazight.

A quand des islamistes amazighes qui promettent de promouvoir Tamazight et sans l'obliger hypocritement à être un sous-arabe ?"


Je ne comprends pas ta réaction, tout ce que je viens d'évoquer montre le contraire. Ibnou Toumert écrivait ses épîtres en Tachelhit avec des caractères arabes...il ne se considérait certainement pas comme un "sous-arabe", autrement il aurait complètement renié tout ce qui a trait aux Ichelhin...

Nombre de khoutab le vendredi sont en Tachelhit comme à Boumaln, Qal'a Mgouna (de ce que je vis) et certainement dans le Sous aussi. Des "islamistes" (j'aime pas trop ce mot car il vient des non-musulmans pour créer une fracture au sein des musulmans) sont des prêcheurs en Tachelhit uniquement comme à Tiznit, Imin Tanout etc...

Et cela est naturel pour eux car c'est leur contexte culturel, linguistique et géographique.

Quant tu parles de promouvoir "tamazight", qu'entends-tu par là? (je demande pour saisir et non pour polémiquer (je prends des gants)), est-ce un Tachelhit épuré, sans apports étrangers?

S'il s'agit d'une promotion de type politique, la leur est plutot religieuse...je ne pense pas qu'ils scindent les gens en berbères d'un côté, arabes de l'autres, etc...l'emploi de la langue berbère, des références berbères est naturelle pour eux...

En tout cas je tiens à te remercier pour ta courtoisie, c'est assez rare et dans ce même post on peut lire des insultes islamophobes = "C'est vrai qu'une burka avec des petits motifs en tifinagh ca passe mieux"...La plupart de Ichelhin sont très attachés à leur identité musulmane, les insulter dans celle-ci est très loin de permettre la promotion de l'identité tachelhit...

Quant à notre ami Quoi et sa remarque :

"on a d'un cote l'Amazighite et de l'autre cote l'islamisme et l'arabisme."

L'Histoire, comme j'en ai donné un tout petit exemple, est contre cette réflexion et le présent, également, ne va pas dans ce sens...

Il est dangereux de vouloir fracturer la société comme ça...
 
Je ne comprends pas ta réaction, tout ce que je viens d'évoquer montre le contraire. Ibnou Toumert écrivait ses épîtres en Tachelhit avec des caractères arabes

Bien que les Almohades étaient dignes des Talibans, quand je parle des islamistes aujourd'hui, en aucun cas il serait sérieux de parler de ceux qui étaient présents il y a 900 ans ! C'est un tout autre contexte, on parle de notre époque.

Au temps des Almohades, les tribus arabes commençaient à peine à arriver chez nous, à part quelques centres urbains, les Arabes n'existaient pas au Maroc. Ibn Tumert ne pouvait pas faire autrement pour parler aux gens.

De nos jours, l'islamisme (qui est un musulman manipulant le religieux pour atteindre des objectifs politiques, en ce sens les Alaouites sont aussi des islamistes...) est fortement teinté d'arabisme. Depuis l'essoufflement de celui-ci, c'est d'ailleurs l'islamisme qui a repris le relais.

Pour l'exemple, un islamiste indonésien ou pakistanais ne cherchera pas à imposer l'usage de l'arabe sur la langue locale en dehors du contexte religieux.

Dans sa toute grosse majorité, que ce soit les islamistes du Makhzen (PJD, ...) ou ceux de Yassine, ils montrent une forte hostilité à un développement de la culture amazighe.

Je ne fais que constater.

J'ai toujours été contre le fait que la revendication amazighe prenne parti pour la laïcité ou autre chose. Tamazight est une culture, pas une idéologie, tout le monde quelque soit sa sensibilité politique/religieuse y a droit.

Mais comme je l'ai dis : pourquoi n'a-t-on pas de courants islamistes favorables au développement de la langue amazighe ? Pourquoi insulter et menacer Jouhadi pour son travail ? ...

Les prêcheurs des Mosquées font simplement leur boulot, ils parlent aux gens dans leur langue. Je ne les considère pas comme islamistes parce que musulmans.

Les islamistes, les vrais, ceux qui cherchent le pouvoir en utilisant la religion, ceux-là ont été élevés dans l'arabisme (inconsciement ou non), le chantage à la religion e nce qui concerne Tamazight est même très fréquent.

Donc pour moi : que les islamistes fassent des textes, des discours tout ce qu'ils veulent en Tamazight, même si je ne suis pas d'accord avec eux, je serai content qu'ils fassent vivre la langue.

Enfin, pourdéfinir la promotion de la langue, l'épuration de celle-ci est un débat difficile dans la mesure où tous les 10 ans, une bonne partie du vocabulaire se perd et devient du Tamazight "dépassé".

Si je dis à ma cousine d'employer le mot "urgh" et pas "dahab", est-ce du Tamazight épuré ? Je ne pense pas.
 
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