Brassage éthnique

Anchou

Member
Azul/Salam,

Brassage éthnique : de l’organisation des tribus amazigh du Tafilalet par Mounir Benlakhdar, Avocat au barreau de Rabat

Le Tafilalet situé dans le sud-est marocain est connu par ces dattes, ses oliviers, son climat aride, quasi désertique ou encore par les cures bienfaisantes au corps humain offertes par les bains des sables de ses dunes.

Le Tafilalet est aussi une terre fertile et curieuse. Fertile du fait qu’il est une région du Maroc qui n’as pas trop attiré les chercheurs de diverses disciplines des œuvres des Hommes dans cette terre combien difficile. Et curieuse dans la mesure ou toutes les activités sociales économiques et politiques étaient organisées selon un système juridique complexe, qui a su maintenir une vie sociale paisible réglementée par un droit essentiellement coutumier.

Cela avait permis de maintenir un brassage combien tolèrent entre une mosaïque de tribus originelle essentiellement amazighs, mais aussi de tribus arabes venues d’orient et de tribus judaïques. C’est une cohabitation extraordinaire entre trois ordres confessionnels mais aussi de trois ordres juridiques: le droit coutumier ancestral amazigh, la Charia musulmane et le droit israélite qui organisait la population juive.

Cela condamne a tork les qualificatifs officiels tels que ceux de territoire de dissidence «blad Siba» insoumis au Makhzen; ou encore officieux qui considèrent le Tafilalet comme «un Maroc inutile». Le fait historique est que le Tafilalet n’avait pas besoin de pacification entretenue par la politique dite «politique berbère de France», pour nouer des relations avec l’administration centrale du Makhzen, pour deux raisons historiquement prouvées. D’une part, la dynastie Alaouite a été, en premier lieu, proclamée dans le Territoire du Tafilalet qui a fait acte d’allégeance à Moulay Ali Chérif depuis trois siècles. Cette allégeance était acceptée par les tribus Amazighs. Aussi les chefs de tribus et de confédérations de tribus du Tafilalet avaient il entretenues des relations avec les Monarques Alaouite notamment Moulay Hassan Premier bien avant 1912.

C’est le cas de l’Amghar N’Ouflla (chef suprême) de la confédération d’Ayt Yaflmane dont la nomination par la population locale a été accréditée par Dahir de l’administration centrale, ainsi que celle de l’Amghar n’ouflla d’Ayt Morghad. Cela était un exemple de la citoyenneté volontairement représentative. Le Tafilalet de ce fait n’était pas une terre de dissidence mais une population organisée par son propre droit coutumier et qui avait des relations étroites avec l’administration centrale.

Contrairement à ce que l’on a longtemps soutenu, les tribus amazighes du Tafilalet n’ont jamais vécu dans l’anarchie. Les tribus étaient organisées dans le cadre de deux grandes confédérations : la confédération d’Ayt Yaflemane au nord et la confédération d’Ayt Atta au sud.La confédération ayt yaflman est constituée de trois fractions de tribus qui sont Ayt izdegh, Ayt Morghad et Ayt hdidou.Chaque fraction compte plusieurs tribus. La fraction des ayt Izdegh se compose des tribus : Ayt Moussa Ou Ali – Ayt Brahim-Ayt Fergane-Ayt Yahya Ou Khlifa – Ayt Attou -Ayt Hahou. La fraction ayt Morghad se compose de deux entités de tribus appelées Khoms et qui sont :

Le khoms d’Ayt Wahi constitué de quatre sous fractions de tribus : Ayt Ammar Mansour, Ayt Krad Ighsane, Ayt Issa Izem, ayt Ammar Gouahi. La sous fraction d’ayt Ammar Mansour se compose des tribus : Ayt Brahim, ayt Harrou, ayt Hami, ayt taleb, ayt boualman, ayt youb. La sous fraction Krad ighsan est composée des tribus ayt Oulghoum et Irbiben. Et le khoms d’Ayt M’hmmed : se compose des tribus Ayt Harbi, Ayt Brahim Ouhddou et Ayt Hami. La confédération Ayt Atta, quant à elle s’étend sur une grande partie du Tafilalet notamment au sud mais aussi au Saghro actuellement dans le découpage administratif de la province de Ouarzazate à l’ouest du Tafilalet. Cette confédération a eu une organisation plutôt fédérative dans la mesure ou la gestion de chaque tribu se fait selon les directives de la tribu fédérale qui se situait dans le Saghro. Aussi les tribus étaient t-elles représentées par la Jmaa des tribus (Tajmiit n’tikbilin) qui se tenait au centre.


Cette fédération etait composée des tribus suivantes: Ayt Ounir, Ayt Ikhlef, Ayt Oundguii, Ilemchane, Imessoufa, ayt Alouane, Ayt Isfoul, Ayt Khebbache, Ayt Yazza, Ayt Agnaoun, ayt Boukniffen .D’autres tribus se sont alignées à Ayt Atta par le biais des traités de protection dits localement Tayssa dérivé du verbe «Iska» qui signifie littéralement paître. Par ce traité, la confédération des Ayt Atta a annexé plusieurs tribus. Ces annexions n’étaient pas toujours pacifiques, elles avaient généré plusieurs affrontements armés. Entre les deux grandes confédérations quand les tribus annexées faisaient recours au soutien de la confédération Ayt Yaflmane.Contrairement à ce que l’on peut prétendre, la population amazigh du Tafilalet n’as pas connu de tribalisme virulent, mais plutôt une organisation juridique que l’on retrouve dans les doctrines de droit constitutionnel comparé et de droit administratif en ce qui concerne le fédéralisme et confédéralisme dans le cadre de ce que la doctrine qualifie d’Etat-tribu.

Les notions d’administration territoriale centralisé et décentralisée étaient connues du droit coutumier amazigh. C’est la doctrine marocaine qui n’a pas profondément étudié le droit autochtone pourtant très riche, et qui reflète une facette entre autre autres de la culture amazigh au Maroc.L’attitude officielle a longtemps nié cette réalité ce qui est créé un sourd malentendu entre le marocain et ces institutions notamment judiciaires et administratives. Cette réalité est due à une fantaisie idéologique superficielle et un excès de nationalisme brut et agité qui s’est souvent abstenu de mener une réflexion affranchi sur notre identité authentique.


Mounir Benlakhdar, Avocat au barreau de Rabat
 
Back
Top