Béni mellal. SOS, on assassine nos écoles !

agerzam

Administrator
Même si c'est un peu loin du Souss, ce sont les mêmes problèmes.

En 2000, un homme découvre une région, celle de Tassemmit, près de Beni Mellal et en tombe amoureux. Il fonde une association, Asidd (lumière en berbère), et décide d’implanter une école pour ce douar enclavé. Quatre ans plus tard, l’école existe malgré la non-assistance des ministères (Éducation nationale, Agriculture, Équipement) et des grandes fondations à caractère semi-officiel. Cette école est pourtant toujours fermée, en attendant la délégation d’un instituteur pour ce coin perdu. Mais il y a pire. "Depuis quelques semaines, raconte le président d’ASIDD, Amale Samie, les autorités ont décidé d’installer, à la surprise générale, une réserve de mouflons (moutons sauvages). Résultat : le cœur du patelin est dominé par la réserve et une imposante clôture, qui court sur des dizaines de kilomètres". Les villageois sont désormais obligés de parcourir des kilomètres supplémentaires pour aller au point d’eau le plus près, à l’école, etc. Une catastrophe qui pourrait donner lieu à d’inquiétants développements, les habitants menaçant de se soulever contre leurs représentants communaux et la wilaya de Beni Mellal, étrangement passifs sur cette affaire…
 
situation de l'enseignement de Tamazight à l'école Agwdal commune de Masst, province Achtouken- Aitbaha.

lettre adressée aux autorités locales et nationales

Masst, le 16 octobre 2004

Objet : situation de l'enseignement de Tamazight à l'école Agwdal commune de Masst, province Achtouken- Aitbaha.

Monsieur,

Comme vous le savez, la rentrée scolaire précédente 2003/04 fut marquée par l'enclenchement du processus de l'insertion de la langue Amazighe dans le système scolaire pour la première fois dans l'Histoire du Maroc moderne.
Et comme suite à l'accord passé entre l'IRCAM et le ministère de l'éducation nationale, l'école Agwdal de la commune de Masst province d'Achetouken-Aitbaha, figure sur la liste des écoles pilotes pour l'enseignement de l'amazigh, dans la perspective d'élargir, progressivement, cet enseignement à tous les niveaux et établissements, à un rythme garantissant la mise en place des méthodologies didactiques amazighes par la formation des enseignants, la mise à disposition des moyens pédagogiques et des supports didactiques.
C'est sur cette base que le ministère de l'enseignement a organisé un cycle de formation, au CPR d'INEZGANE, au profit des enseignants de la première année des écoles pilotes. Toutefois, les enseignants de l'école Agwdal, au nombre de cinq, n'y ont pas participé au coté de leurs collègues des autres établissements.
Nous signalons qu'à la marge du festival printanier de cette école, le 2 Avril 2004, une leçon type de l'amazigh a été présentée par l'un des enseignants en présence des Messieurs le délégué de l'enseignement, les représentant des associations des parents d'élèves et une partie du corps enseignant. La prestation fût appréciée par la présence malgré que le maître l'ayant donné n'a pas suivi de formation. Et si ce n'était pas les efforts individuels et personnels de cet enseignant la seule unique classe de première année à laquelle est enseigné l'amazigh n'aurait jamais existé à cette école.
Le paroxysme du laxisme et de la négligence est atteint avec l'année scolaire 2004/05 en cours. D'une part, Pour une seconde année consécutive, les enseignants n'ont pas participé au cycle de formation relatif à l'enseignement de l'amazigh qui a eu lieu les 4, 5 et 6 octobre 2004 à Agadir. D'autre part, les élèves de l'unique classe (parmi quatre que comptait la première année, l'an dernier) qui ont bénéficié des cours de l'amazigh, ont découvert que cette langue est supprimée des programmes.
Nous rappelons ici que le nombre de classes des deux niveaux de première et deuxième années de l'école Agwdal est monté à dix.
Par la même occasion il est à signaler que les parents d'élèves nous ont fait part de leurs inquiétude et mécontentement. Ils ne comprennent pas pourquoi le Tamazight est supprimé des programmes de la deuxième année et cherchent les raisons de la limitation de l'enseignement de cette matière à une seule des dix classes.
En tant que citoyens et habitants de Masst, et en tant qu'association de la société civile vouée à la défense de l'amazighité pour le rétablissement de la personnalité marocaine dans son identité nationale et sa culture amazighes, nous demandons :
1- L'ouverture d'une enquête sérieuse et responsable pour dévoiler les responsables de l'entrave à la marche normale de l'insertion de l'amazigh dans le système scolaire en général et dans l'établissement précité en particulier ;
2- La communication des résultats de l'enquête à l'opinion publique locale et nationale ;
3- Que fin soit mise, de toute urgence, à cette situation par un cycle de formation aux enseignants des niveaux de première et deuxième années dans l'établissement précité ;

Le président
Hassan BELLA
 
URGENT : DÉVELOPPEMENTS GRAVES.
Azul,

ASIDD remue ciel est terre car les choses se sont subitement et détériorées, samedi 6 novembre 2004.la situation se précipite et pour nous, il est devenu de la première urgence d'alerter les citoyens qui refusent l'arbitraire du Wali et la loi de la jungle qu’il a instaurée avec ses "collègues" députés de la région. Si cette future "réserve" n'est pas immédiatement enlevée, l'exode massif des Ait Slimane vers les bidonvilles de Beni Mellal, commencera dans moins de deux mois.
Pourquoi? parce que La wilaya et les notables qui convoitent la terre des Aït Slimane SONT EN TRAIN DE DÉTOURNER LA SOURCE UNIQUE DES AIT SLIMANE pour abreuver les mouflons de la future "réserve" privée du wali qu'il a établie au-dessus de sa maison sur le site.
Un réservoir est en train d'être construit. Il faudra des mois pour le remplir.2500 à 3000 personnes et leurs troupeaux sont menacés par la soif imminente.
Une catastrophe nationale se prépare.
Depuis un mois, nous sommes assiégés par la force publique. Les femmes et les enfants vivent sous état de siège par le caïd, les agents des eaux et forêts, des "policiers" en civil, du moqaddem et des mokhaznis, et de leurs mouchards qui violent les domiciles en disant aux Aït Slimane qu'ils doivent descendre parce que leurs terres appartiennent à l'État. Les Aït Slimane habitent le site de Tassemmitt depuis exactement 900 ans. Mais aujourd'hui, ils ne savent plus où ils sont et vive sous une psychose qui s'éternise.
Avant-hier, samedi, le caïd, le khalifa, l'adjudant de la gendarmerie, et des individus à la fonction indéterminée dépêchés par la wilaya, sont montés pour arrêter tous les membres de l'association pendant une distribution urgente de vêtements d'hiver.C'est la présence d'un camion de la Fondation Mohammed V qui nous a dissuadés la force publique de procéder à une opération d'arrestations massives. Il était là pour distribuer des vêtements d'hiver en partenariat avec ASIDD.
Les choses sont devenues très claires, le wali de Beni Mellal a construit la réserve sous la maison de la wilaya pour son propre usage avec la complicité des députés de Beni Mellal, du Président de la Commune de Foum El Ancer, dont nous dépendons et de certains notables surtout connus pour leurs multiples escroqueries. C'est aussi le Wali qui a déclaré, devant témoins, au président d'ASIDD: "C'est MOI qui veux que la réserve soit située là et les Aït Slimane descendront fatalement, c'est ce que JE veux".
Cependant, la population reste unanime, mobilisée, et vigilante sur les tentatives de provocations qui pourraient permettre de faire passer des protestataires pacifiques pour des perturbateurs en rébellion ou des casseurs. La population patiente pour l'instant, grâce à l'insistance des membres locaux d'ASIDD, mais la colère gronde.
Nous sommes aujourd’hui au début de l'application d'un plan de déportation massive des habitants.
Enfin, le domicile, dont le propriétaire est membre d'ASIDD et qui accueillait les réunions, vit sous les pressions et les menaces quotidiennes. Tous les domiciles sont d'ailleurs visités et menacés d'être expulsés du soi-disant domaine de l'État" sous prétexte qu'ils n'ont pas de titre de propriété. ASIDD essaie de sauver les terres de la population et de réconforter les femmes et les enfants, là où elle peut, mais nous sommes débordés par la détresse et le deuil observé par les habitants. Nous tenons grâce au soutien de la presse marocaine nationale et aussi locale qui se rend massivement sur le terrain et de faire son travail consciencieusement malgré la dictature du wali, Abderrahmane Hanane.

ASIDD demande:
UN: la cessation immédiate de la campagne de terreur exercée contre les citoyens sur ordre du wali Abderrahmane Hanane avec ses acolytes de la commune.

DEUX; l'enlèvement immédiat du grillage de la honte clôturant la réserve et l'arrêt urgent de la construction du réservoir destiné aux mouflons mais alimenté avec la source des habitants.

TROIS: devant l'entêtement du wali, du président de la commune et des eaux et forêts, prévient solennellement
toutes les instances concernées qu'elle envisage la poursuite de la lutte par d'autres moyens légaux.

Alertez vos amis, parlez de nous, et faites circuler la pétition. Les premières signatures arrivent.

Président de l’association Asidd : Amale Samie
 
Le vol des terres amazighes continue depuis l’indépendance, ce n’est pas une situation différente des Indiens des pays d’Amérique Latine …

Pour ceux qui ne seraient pas au courant. Cette situation de “domaine d’Etat” sans possibilité de se procurer un titre de propriété est beaucoup plus fréquent au Maroc qu’on ne le pense !

À Achtuken, des zones entières sont dans cette situation (dont les terres de ma famille).

Expulsable à tout moment pour augmenter les terres du Makhzen.

Et 9 fois dur 10, les gens ne le savent même pas !
 
s ufella (même si ce ne sont pas des terres palestiniennes c'est important aussi).

[ Edité par agerzam le 12/11/2004 11:18 ]
 
Bou Imoura, avant l’exode


Le monde de l’absurde n’est pas l’apanage des grandes villes. Depuis plus de deux ans, le petit douar de Bou Imoura, dans la région d’Azilal, vit une mascarade ficelée, sans scrupule, au nom de l’environnement… Ou presque.
L’exode rural naît parfois du grotesque. Ce village aux maisons dispersées au pied du massif Tassemmitt, un grillage le traverse, l’entoure, menace de l’étouffer. Pourquoi ? Pour qu’y soit implantée une réserve de mouflons, mammifères quadrupèdes des montagnes à même de supplanter les habitants, en nombre. Par un froid samedi soir de novembre, une vingtaine de pères de famille se sont rassemblés sous le toit de Mouhammad dont la maison est une des premières accessibles depuis la piste qui mène à la ville, quelques dizaines de mètres plus bas. Une poignée d’hommes pour représenter les 5.000 personnes, réparties en 850 foyers, vivant sur ce site « depuis près de 900 ans », estime Zaïd. Pour la énième fois depuis plusieurs mois, ils font le point de la situation, de leur avenir. Cette réserve va désormais être équipée d’un réservoir d’eau de 90 mètres cubes pour abreuver ses nouveaux protégés. « Et assoiffer les gens d’ici », s’insurge Amale Samie, amoureux de la région et proche de tous les membres de Bou Imoura.

Requête sans réponse
D’ici un mois, 80 familles se trouveront privées de pâturage, près de 200 personnes seront privées d’eau. « Dès l’arrivée de l’été, ces gens n’auront qu’à foutre le camp aux bidonvilles ». Déjà, trois foyers ont quitté la plaine pour chercher une autre propriété. « En 2002, les autorités locales ont débarqué sur le site sans nous avoir consultés ni prévenus. Oui, ces terres appartiennent aux Eaux et Forêts, mais nous y envoyons notre bétail, c’est vital pour nous », déplore inlassablement Abdou. « Nous avons déposé une requête auprès du wali, sans réponse autre que leur soi-disant projet de développement ». Pendant les deux ans qu’a prise la pose du grillage, l’affaire est restée en sommeil. Mais la blessure s’est à nouveau ouverte lorsque la barrière s’est fermée dans le courant de l’été dernier. Dehors, les genoux dans la terre ocre, Saïd dessine le périmètre tortueux du grillage imposé, enfonçant fermement son bout de bois là où trois, quatre, cinq maisons se trouvent littéralement encerclées. « Dès la tombée des premières neiges, une trentaine de familles seront coincées là, condamnées à marcher trois heures pour contourner les 15 kilomètres de barrière alors qu’ils peuvent être au pied de la montagne en une demi-heure. Chercher de l’eau, transporter les semences, moissonner, tout deviendra difficile, même les visites ou le trajet des enfants pour aller à l’école ».

Mascarade
Une chose est claire, implanter une réserve de mouflons à cet endroit précis n’est qu’un prétexte. Selon le périmètre du grillage posé, celle-ci ne représente que 74 hectares sur les 13.000 de l’ensemble du site des Eaux et Forêts. Autant dire, une portion infime. « Il y a plus de 12.000 autres hectares vides pour y mettre ces bêtes ! Alors pourquoi ici, chez nous ? ». Et, quand bien même l’argument du mouflon serait sincère, derrière cet élan environnementaliste se cachent certaines incohérences. « L’endroit ne correspond même pas à l’écosystème exact des mouflons qui vivent plus haut, dans la rocaille, explique Hakim. Même le grillage n’est pas assez haut : regardez là, au niveau de ce rocher, ils pourront sauter, c’est sûr ».
La réserve ainsi plantée occupe le point du site où passent les trois groupements de la tribu des Aït Slimani, à laquelle appartiennent les habitants de Bou Imoura. « C’est la superficie d’une balle en plein cœur », assène Amale Samie lors d’une réunion du syndicat de la presse régionale à Beni Mellal. Les visages sont graves alors que tous tentent de décortiquer les charnières d’un drame aux allures tragi-comiques. « Nous parlons de déracinement : l’exode rural pour le compte des petites mafias locales », entend-on dans cette salle enfumée. Plus haut, au village, hommes et femmes en sont conscients. 5.000 personnes, c’est peu, comparé à d’autres groupements de dizaines de milliers de membres. « Pour eux, cela leur semble plus facile de nous éliminer », acquiesce cette mère de six enfants. Des notables de la région qui, alliés aux autorités locales par quelques intérêts fructueux et l’incompréhension de la montagne, n’hésitent pas à peser de leur poids pour mettre la main sur cette zone au riche potentiel. Abdou le répète, « Beni Mellal est pourrie par un lobby anti-développement, comme on l’appelle ici. Leur but : récupérer les terrains à bas prix pour y chasser et se divertir et surtout préserver leurs intérêts dans le business touristique ».

Intimidations
Sans faire l’économie d’une certaine bassesse... Depuis quelques mois, des procès sont en cours contre des habitants du douar ayant manifesté leur opposition au grillage et à la réserve, « pour avoir brûlé du bois de la zone il y a parfois plusieurs années de cela. Pour nous calmer ». Récemment, la distribution de matériel scolaire à l’école du douar, avec un camion prêté par la fondation Mohammed V, a rameuté les troupes de la gendarmerie locale. Autre exemple : la plainte déposée pour diffamation par le parlementaire Abdellah Kharroufa contre le directeur du journal local « Al Minbar Beni-Mellal » pour avoir révélé l’occupation d’un espace public par ledit parlementaire, proche du wali Abderrahmane Hanane. « Ce que nous demandons, c’est l’arrêt des travaux du réservoir et le déplacement de la réserve.
Une commission d’enquête des Eaux et Forêts doit venir. Nous l’attendons. Qu’elle écoute les habitants. Qu’un expert environnemental vienne expliquer le désastre encouru, (termine Amale Samie). Les habitants ne sont pas opposés à un plan de développement, mais ils refusent ce qui se passe actuellement ».
L’ASIDD cherche à concrétiser un projet respectueux des habitants et du site pour concurrencer les visées des notables locaux. Pour cette association pour l’intégration et le développement durables créée en mars 2002, Beni Mellal peut devenir une nouvelle porte vers le Moyen Atlas. Dans le collimateur des autorités, l’association manque de financement pour continuer à soutenir les habitants de Bou Imoura. « Pour l’heure, on a envoyé un message au médiateur Diwan Al Madhalim. Et cette semaine, deux représentants de la mouvance amazighe ont plaidé à Genève au nom de cette ethnie en voie d’être déracinée ». Depuis quelques semaines, les habitants sont laissés tranquilles. Mais tous le savent : rien ne prouve que le spectre de l’exode s’éloigne.



Cléo Martin
lejournal-hebdo.com
 
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