"Apprendre a dire Oho" Tel-quel

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Injuste accusation

Nous vous écrivons pour exprimer notre indignation à propos de la trilogie "la paysanne, la bimbo et la résistante", signée par Yasmina Rhoulami (TelQuel n°167). Nous avons été particulièrement indignés par sa phrase "apprendre à dire Oho" (NDLR : "non", en berbère), faisant référence aux Berbères, présentés comme despotiques envers les femmes. A cette affirmation, nous répondons : sachez que dans les campagnes berbères, les femmes sont mieux traitées que dans d’autres régions du Maroc, et qu’elles jouent un rôle primordial dans la vie paysanne. Qu’elles ont leur mot à dire dans la gestion du quotidien. C’est dans les zones rurales berbères qu’il y a le moins de divorces et de polygamie. En outre, si les tâches quotidiennes sont difficiles, elles le sont également pour l’homme à cause de l’enclavement et du mépris planifié des autorités envers toutes les régions amazighes du Maroc.
Youssef Aguenaou et ses amis










Article en question



Le destin de Tamou
Elles vivent dans un bled perdu, à l’ombre d’un mâle trompeur.

Tamou vit dans un petit douar à cinq kilomètres de Khouribtrou. Ses journées sont rythmées par les mille et une tâches ménagères dont elle a été chargée depuis qu’elle sait marcher. Elle va chercher de l’eau dans un seau trois fois trop lourd pour elle et ramasse du bois qu’elle porte sur son dos frêle. En guise de grande sortie, Tamou se rend au Moussem écouter les balivernes de Touda la chouwaffa qui lui prédit un mariage de folie avec le très prisé et non moins édenté Mouhemmad ouled l’guezzar.
Ce que ne sait pas Tamou, contrairement à tous les habitants de son douar, c’est qu’elle sera offerte à ce fameux Mouhemmad le jour de ses treize ans.
Tout comme elle n’a pas eu d’enfance, Tamou n’aura pas d’adolescence, mariée à treize ans elle sera mère à quatorze puis quinze puis seize…
Occupée à broder son drap de mariée immaculé sur fond de Khouwda et de Hajja Hlima , elle pense à sa vie future. Elle serait l’épouse respectable mais pas respectée, de son cher et pas tendre fils de boucher, qui d’elle ne ferait qu’une bouchée.
Il se fendrait d’un louis d’or, égorgerait trois poulets, deux moutons et finirait par la rouer de coups de bâton. Il lui ferait huit ou neuf portées, elle lui ferait la cuisine, le ménage, et autres menues corvées. Il la gratifierait de la dernière née des lessives du marché, elle lui laverait les mains et les pieds. Mouhemmad et Tamou reproduiraient le même schéma que celui de leurs parents pour l’éducation de leurs enfants : pas de tendresse, pas de gentillesse, nulle communication, des remontrances, de la distance et des coups, encore des coups.
Tamou essuierait coups durs et autres blessures et finirait par le maudire sans mot dire, tandis que Mouhemmad rêverait de litres de rouigea et de Aouicha la chikha.
Tamou elle, rêverait d’une sertla ou mieux, d’une mdemma. Mais Tamou n’a pas le droit de rêver, on ne lui a pas appris à rêver. Elle n’est qu’une femme, être infâme, presque sans âme.
Allons Tamou, cesse donc de baisser l’échine, il est toujours temps d’apprendre, apprendre à dire "Je refuse, Mouhemmad tu abuses", apprendre à dire "Oho" et opposer ton veto.
Dis-lui à ton fils de boucher que tu n’es pas née pour le servir et combler ses moindres désirs, en étant traitée comme une… mais comme quoi d’ailleurs, personne ne devrait être traité comme sont traitées bon nombre de Tamou, Hadhoum et autres Keltoum.
Tamou ne dira rien, Tamou ne m’entend pas, elle ne peut pas me lire. Elle ne sait pas ce qu’est un veto et serait outrée par mes propos. Elle a accepté l’inacceptable sans le savoir, sans le vouloir et continuera à accepter.
Mouhemmad finirait ainsi par prendre Aouicha la chikha pour seconde épouse. Aouicha, qui, une fois mariée, se transformerait en Aicha Kandicha et troquerait son habit de chikha contre celui de mouchaaouida . Et c’est à coups de sortilèges et autres fadaises qu’elle viendrait à bout du redoutable ouled el guezzar. Elle ne lui ferait ni la cuisine, ni le ménage ni autres menues corvées et c’est, ironie du sort, elle qui régulièrement le rosserait.


http://www.telquel-online.com/167/sujet1.shtml

[ Edité par Souss le 17/5/2005 17:10 ]
 
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