Algérie : les Printemps berbères et les acquis.

Faska

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Extraits d'un article de Said Salmi.


... Les militants berbéristes étaient à l’avant-garde de toutes les luttes ; des femmes contre le code de la famille, des droits des enfants de chouhada, des droits de l’homme, du respect des libertés, du pluralisme et de la démocratie tout simplement.

Profondément enracinée, car portée dans le cœur des millions d’algériennes et d’algériens de génération en génération, la question amazigh ne pouvait plus faire marche arrière, elle vient de faire son entrée dans la scène publique, politique et nationale. A chaque débat, tamazight émerge et finit par glaner quelques acquis.

C’est ainsi que les départements de tamazight sont créés à Tizi Ouzou et Béjaïa, suite à la grandiose marche populaire organisée par le MCB à Alger le 25 janvier 1990, tout comme son introduction à la télévision juste avant les législatives de 1991 où son introduction à l’école après une année du boycott scolaire en 1994-1995.

L’aboutissement de tamazight comme langue nationale et officielle, revendication vieille de près d’un demi-siècle, fera aussi son chemin doucement mais sûrement. l’amendement de la Constitution en 1996 a vu s’intégrer tamazight dans son préambule en tant que composante de la personnalité algérienne aux côtés de l’arabe et de l’islam ; sa constitutionnalisation comme langue nationale restera incontestablement l’événement qui marqua l’histoire du combat identitaire ; il s’agit d’un acquis arraché suite aux événements du printemps noir, au prix d’une centaine de martyrs, de handicapés et des milliers de blessés sur fond de manipulations sournoises du pouvoir relayé par sa clientèle.

Cette avancée partielle constitue sur le plan de la symbolique une grande victoire, même si sa concrétisation sur le terrain bute encore à des résistances et des manœuvres. Malgré les frictions qui ont miné la classe politique, après l’ouverture démocratique, le MCB a constitué durant des années une véritable école où des milliers de jeunes en communion avec les anciens militants ont été initiés au combat, à la découverte des grandes valeurs : droits de l’homme, démocratie et de citoyenneté.

Laminé par l’usure et les querelles intestines, à la grande joie du pouvoir et des islamistes, le MCB mourra après avoir porté haut le combat amazigh pendant plus d’une décennie. la Kabylie perdra depuis son immunité face à ses adversaires de tout bord .....

.... 26 ans après le printemps de 1980, cinq ans après le printemps noir de 2001, quel bilan peut-on faire ?

Tamazight a avancé, pourtant la situation, y compris les acquis, reste encore casuelle, un débat de fond, qui ne peut être différé, doit être entrepris en urgence, car il s’agit de l’avenir de la revendication, en conséquence du combat engagé depuis de longue date. La célébration du double anniversaire du printemps amazigh et du printemps noir mérite une halte à saisir dans l’objectif d’enclencher un nouvel élan et recentrer le combat autour des questions concrètes que je tenterais d’énumérer ici :

-- Le statut de la langue amazigh est sujet à des manipulations lors « du dialogue » engagé entre les arouch et le chef du gouvernement, après sa reconnaissance comme étant nationale. Assisterons-nous à son officialisation dans la seule Kabylie, ou allons-nous vers l’officialisation de tamazight dans les régions qui la demandent. La tergiversation du pouvoir ne vise qu’à gagner du temps, car pourquoi soumettre tamazight au référendum, alors qu’il est plus cohérent d’ouvrir un débat autour de toute la question linguistique dans sa globalité, y compris l’arabe.

-- La promotion de tamazight n’est qu’un leurre. il est dit que tamazight est le patrimoine de tous les algériens, ce qui est vrai. mais son enseignement en dehors de la Kabylie contredit clairement cette résolution, car il se réduit comme une peau de chagrin ; le cinéma amazigh est interdit de cité ; aucune production n’est sélectionnée par l’ENTV à l’occasion de son Fenec organisé pour la deuxième année, le lancement de la nouvelle chaîne amazigh ne fait plus de priorité du gouvernement ; l’édition amazigh peine à se frayer un chemin...

-- Qu’elles seront nos priorités dans le combat futur ? la standardisation de la langue et de son enseignement, la mise en place d’une académie berbère, la production qui imposera tamazight en l’absence d’outils et de mécanismes communs.

-- Engager un débat sur l’organisation de l’Etat est sur le plan politique aussi vital. Beaucoup de concepts ont vu le jour ces dernières années ; le fédéralisme, la régionalisation positive ou modulable et l’autonomie. Il est certain que ce débat concerne la question amazigh car il impliquera le statut de la langue. Un consensus est du moins dégagé entre la majorité de l’opposition démocratique et même au sien du pouvoir sur la nécessité de refondre l’Etat en fonction des spécificités régionales.

-- Organiser en urgence des espaces d’expressions en Kabylie et mettre en place des mécanismes de médiation, sorte de relais afin de rapprocher la société politique des véritables aspirations de la population d’une part, et d’être à l’écoute de la société civile, d’autre part. cette dernière s’avère être le lieu par excellence de l’apprentissage de la citoyenneté et les moyens privilégiés pour ancrer les valeurs des droits de l’homme, de la solidarité et de la démocratie.

L’opposition démocratique réduite à un mirage médiatique et une addition de sigles à l’occasion de chaque élection dispose d’une marge qui se rétrécit de plus en plus devant le forcing de l’alliance présidentielle et la poussée de l’islamisme. Celui-ci, en Kabylie, se place dangereusement en recours devant la fermeture de tous les espaces et l’affaissement des structures politiques et citoyennes.

Les jeunes sont les premières proies à trébucher dans l’obscurantisme. d’autres, en quête d’identité, quant à eux, sombrent dans des dogmes et autres religions. Le rassemblement de ce qui reste des forces autonomes et démocratiques en phase avec l’aspiration populaire, en un front fort et pluriel dans le respect de l’identité de chacun et autour d’un programme minimal, relève de la responsabilité de tous les militants. La Kabylie peut bien reprendre son rôle, puisque elle regorge de potentialités sûre pour réinventer l’espoir. Le 20 avril n’est-il pas la journée de l’espoir.

Said Salmi.
 
20 AVRIL 2006 : Grève générale, marche et rassemblement à Tizi Ouzou
samedi 22 avril 2006.


À l’occasion du double anniversaire, 26ème Printemps Berbère et 5ème Printemps Noir, plusieurs activités ont eu lieu dans le département de Tizi Ouzou, il faut dire que la commémoration, qui a débuté il y a plus d’une semaine, a suscité un engouement de la part de plusieurs organisations, qui, certes, ont concocté, chacune de leurs côtés, leurs propres programmes, mais il n’en demeure pas moins, que leur but est d’entretenir la mémoire de ces deux événements phares de l’histoire de la revendication amazighe.
À l’appel de plusieurs organisations, la journée du jeudi 20 avril a été marquée par une grève générale qui a touché tous les secteurs d’activités, il n’y avait, ce jour-là, que quelques cafés, les alimentations générales et les vendeurs de journaux qui étaient ouverts au chef-lieu de Tizi Ouzou, avons-nous constaté sur place.

Côté actions, l’aile dite « dialoguiste » de la Coordination des Archs Daïras et Communes (C.A.D.C.) de Tizi Ouzou a organisé, à partir de 10 heures, un rassemblement à la Place des martyrs du Printemps Noir (jouxtant le siège de l’ex brigade de gendarmerie), auquel un peu plus de 200 personnes ont assisté. Ce dernier, qui a duré un peu plus d’une heure a été marqué par des prises de paroles de quelques délégués avant de se disperser dans le calme.

« Fidèles au combat de leurs aînés et aux traditions de lutte de la région », pour utiliser les mots contenus dans leur déclaration, les étudiants de l’Université Mouloud MAMMERI de Tizi Ouzou, structurés au sein de la Coordination Locale des Étudiants (C.L.E.), se sont adonnés à la traditionnelle marche du 20 avril, après avoir organisé, tout au long de la semaine, un cycle de conférences qui a vu la participation de la majorité des formations politiques implantées dans la région (R.D.C., F.F.S., M.D.S. et M.A.K.).

Les marcheurs, quelques milliers, formant une dizaine de carrés, majoritairement composés d’étudiants (80 % d’étudiants et 20 % d’étudiantes), suivis d’une centaine de militants du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (R.C.D.) et de délégués de l’aile dite « anti-dialoguiste » de la Coordination des Archs Daïras et Communes (C.A.D.C.) de Tizi Ouzou, dans un carré distinct, ont commencé à battre le pavé à partir du campus universitaire d’Ihesnawen (Hasnawa) aux environs de 10h50, précédés par un impressionnant dispositif de policiers, beaucoup en civile et d’autres en uniforme.

Arrivés au niveau de l’intersection du stade du 1er Novembre, la marche fut stoppée net, les services de police voulant inciter les organisateurs à changer leur itinéraire et les faire passer par la rue jouxtant la cité des Genêts, afin, disent-ils, de ne pas provoquer d’affrontements avec les autres citoyens qui observaient un rassemblement à la Place des martyrs du Printemps Noir. Ce fut peine perdue, des cris de réprobation sont lancés par les marcheurs invitant les policiers à quitter les lieux, « Nous avons notre propre service d’ordre, nous n’avons pas besoin de vous ! » : assène un des membres de la C.L.E. visiblement irrité par ce soudain intérêt des Pouvoir publics à encadrer les manifestations.

Continuant sur leur lancée, les étudiants reprennent leur marche sans changer d’itinéraire, les slogans fusent une nouvelle fois : « Pouvoir assassin », « Corrigez l’histoire, l’Algérie n’est pas Arabe », « Ulac smah ulac » (Pas de pardon), « Assa azekka Tamazight tella, tella » (Aujourd’hui et demain, le Berbère sera toujours là). Arrivés au niveau du portail du C.H.U. de Tizi Ouzou, les marcheurs se sont tous mis à genou et une minute de silence a été observée, après quoi, la marche a repris de nouveau.

La procession humaine à une nouvelle fois été arrêtée par un cordon de policiers, en civile et d’autres en uniforme, au niveau de la CASORAL, juste avant d’arriver à la Place des martyrs du Printemps Noir. Les esprits commençaient à s’échauffer car l’idée de l’interdiction de la marche a circulé au sein des manifestants, mais ce ne fut pas le cas, quelques minutes après, juste le temps que les citoyens ayant observé le rassemblement (cité en haut) aient quitté les lieux, la marche reprends de plus belle avec les mêmes slogans, en empruntant l’avenue ABANE Ramdane (Grande rue).

Après plus de deux heures de marche, les étudiants arrivent au niveau de la Cité administrative du département à 13h10, après un sit-in de plus d’une vingtaine de minutes, un membre de la C.L.E. lit une déclaration dans laquelle il énumère les revendications pour lesquelles a été organisée cette marche, à savoir : « Tamazight langue officielle », « Une véritable université à Tizi Ouzou », « Respect des libertés démocratiques » et « Respect des droits Humains ». Tout de suite après, les marcheurs ont été invités à se disperser dans le calme et à ne pas répondre aux provocations, chose qui a été faite, car aucun incident n’a été enregistré.

Pour Kabyle.com – Rédaction de Tizi Ouzou – Jeudi 20 avril 2006
Couverture & Vidéos : © Djamel B. (Rédaction de Tizi Ouzou)
 
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