Accueilli à Fès : Premier festival de la culture amazighe

Mazigh

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Accueilli à Fès : Premier festival de la culture amazighe

11.03.2005 | 15h50

Une belle page de l'histoire contemporaine du Maroc est tournée, jeudi soir à Fès, à l'occasion de la cérémonie d'ouverture du premier festival de la culture amazighe. L'événement est certes symbolique, mais rehaussé par la présence très remarquée de plusieurs chercheurs et intellectuels qui ont fait le déplacement de Rabat et autres villes de Royaume pour rendre un hommage particulier à l'éminent professeur Mohamed Chafik, ex-recteur de l'Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM), pour son vaste apport à la langue et à la culture amazighe.


Dans une salle archi-comble au Palais des Congrès de la capitale spirituelle, tout le monde tenait à témoigner sa reconnaissance et sa gratitude envers celui qui fut directeur du collège Royal. Celui-ci nous répondra que «le colloque est une occasion pour nous d'engager des débats qui ne peuvent être que fructueux quand ils ont un caractère culturel.

A travers ses débats, tous les Marocains sentent qu'ils ont une personnalité et une culture qui leur est spécifique, arabe, berbère et internationale. Internationale, parce que nous sommes obligés malgré tout de savoir l'arabe, le berbère et aussi les langues étrangères». Le professeur Chafik a ajouté que «c'est ce genre de débat qu'il nous faut dans ce pays. Un débat serein qui ne peut qu'enrichir notre personnalité culturelle».

Organisé sous le Haut patronage de S.M le Roi Mohammed VI, ce premier festival de la culture amazighe a été rehaussé par la présence de Mohamed Kabbaj, Conseiller du Souverain, Les ministres Mohamed El Yazghi, Mohand Laenser, Mustapha Mansouri, Saâd Alami et le directeur Mohamed Abderrahim qui représentait le ministre Mohamed Nabil Benabdellah. Aussi étaient présents les amis du professeur Chafik, comme Allal Sinaceur, Abdelkrim Halim, Ahmed Boukous et autres.

Le directeur du Cabinet Royal, Abdelhak Mrini, était également présent à travers son intervention sur «la production culturelle au Maroc», qui a été lue par Moha Ennaji, directeur du festival.

Initié par l'Association Fès Saïss et le Conseil de la ville de Fès, en partenariat avec l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès et l'IRCAM, le festival, c'est aussi cette importante exposition des œuvres d'arts plastiques de Mahjoubi Aherdane. Exposition qui retrace le long parcours artistique de ce grand artiste peintre.

Le festival comprend également des activités artistiques, des chants à travers des aèdes, poètes et des danses amazighes représentant les différentes régions du Royaume, en plus des expositions d'œuvres d'art, de produits d'artisanat et de livres, ainsi qu'une parade de fantasia. Dans la soirée de vendredi, un hommage devait être rendu à Ammouri Mbarek qui, depuis 1978, mène une carrière solo après avoir connu les plus grandes scènes européennes avec le groupe «Ousman» (Eclairs).

Il propose depuis à son public ses propres interprétations musicales des plus grands poètes contemporains amazighs (Azayko, Moustaoui, Akhiyyat). Ce musicien humble et pour qui le chant est une raison d'être, ne cesse d'innover et d'explorer les rythmes traditionnels et modernes à travers les thèmes récurrents de l'identité amazighe: l'amour bien sûr, la couleur et le parfum du Sud, mais aussi l'errance et l'exil.

A noter que le programme du festival est plutôt consacré au colloque thématique sur «le substrat amazighe de la culture marocaine», qui s'intéresse à réfléchir sur les mécanismes communs qui prennent en compte les différentes composantes culturelles du Maroc. Le but est de débattre des moyens qui permettraient une approche intégrée de la diversité culturelle, une approche qui privilégie la dimension humaine et sociale et opère une corrélation étroite entre la culture et le développement durable.

Ainsi plusieurs thèmes devaient être abordés, durant toute la journée de vendredi, par les participants, dont «l'histoire et l'héritage amazighes», «amazighité et intégration sociale», «amazighité, composante fondamentale de la culture marocaine», «la langue amazighe, dialectologie et standardisation», «l'enseignement de la langue amazighe : bilan et perspectives d'avenir», «l'impact de la langue amazighe sur l'arabe dialectal», «la littérature amazighe» et «la chanson amazighe».

Pour Fatima Sadiqi, professeur de linguistique à l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, «le festival de Fès a la caractéristique d'être le premier festival de son genre à Fès. C'est pourquoi, il enregistre cet engouement vers la culture amazighe. Il a pu réunir à la fois la société civile, les universitaires et les autorités locales.

C'est un message fort pour les jeunes qui ont besoin qu'on leur rappelle leurs origines et qui doivent comprendre que c'est dans l'unité que le Maroc est fort et solide. L'éminent physicien allemand, Einstein disait que la différence entre le passé, le présent et le futur n'est qu'une illusion. Alors, je dits qu'il ne faut jamais oublier son passé. Pour vivre son présent, il faut préparer son futur.

Aussi, l'idée de rendre hommage à Mohamed Chafik n'est-elle pas de rendre justice à celui qui a su avec beaucoup de tacts officialiser la question amazighe. A travers ce geste, la ville de Fès se réconcilie avec ses origines».

Hommage à Chafik et Rouicha
En raison de son notoriété académique et ayant formé plusieurs générations en langue et culture amazighes, Mohamed Chafik a reçu un hommage exceptionnel de la part de ceux qui l'aiment. Mohamed Kabbaj, conseiller de S.M le Roi et président national de l'Association Fès Saïs, s'est déplacé de Rabat pour remettre un cadeau souvenir au professeur qui est l'une des figures qui ont réussi à marquer la scène culturelle nationale et à conférer à l'Amazighe la place qui lui revient en tant que culture et langue vivant en harmonie avec l'Arabe.

Mohamed Chafik est né le 17 septembre 1926 à Ayt Sadden, région de Fès. Elève au lycée d'Azrou, il est titulaire d'un certificat de langue arabe, d'une licence en histoire et d'un diplôme d'inspection professionnelle. Après avoir occupé plusieurs fonctions dans l'éducation nationale, il devient secrétaire d'Etat en 1970-1971. Juste après, il est chargé de mission au palais Royal et est nommé directeur du collège Royal.

En 1980, il intègre l'Académie du Royaume. En 2002, il devient le premier recteur de l'IRCAM. Entre temps, il a siégé au CCDH. M. Chafik a marqué le mouvement amazigh au Maroc. Et la crédibilité dont il jouit auprès des composantes berbères est incontestable. Il est d'abord un académicien. Il est l'auteur du grand dictionnaire arabe-amazigh (trois volumes) et d'une multitude de travaux sur l'amazighité. Sur un autre plan, le festival a également pour objectif de rendre hommage à la musique amazighe en tant que composante fondamentale de la culture marocaine. Ainsi, dans une soirée organisée pour l'occasion dans un grand palace de la ville, un grand hommage a été rendu au chanteur Mohamed Rouicha.

Né orphelin de père en 1950, Rouicha grandit avec sa mère de qui il apprendra beaucoup. Chanteur à la voix chaleureuse, Rouicha est aussi un excellent spécialiste du "Loutar", un instrument marocain rarement joué et semblable à une sorte de Oud plus rustique. D e son vrai nom Abd El Houari, Rouicha a fait du mixage et du mélange de divers artistes et auteurs une vocation, devenue art.

Il n'avait que quatorze ans quand il a chanté pour la première fois à la RTM. Ses maîtres sont Hammou oul Yazid et Bouzekri Amrane. Artiste ayant acquis une renommée nationale en tant qu'interprète des chants amazigh et arabe, il a réalisé plusieurs albums unanimement salués par le public marocain.



El Mahjoub Rouane (envoyé spécial) | LE MATIN
 
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