Abdelkrim : La mémoire d’un peuple

agerzam

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Il est mort en exil, loin de sa patrie, mais le souvenir de la grandeur de l’homme reste vivant dans la mémoire collective des Rifains en particulier et des Berbères en général. Le 6 février 1963, Abdelkrim Al Khattabi disparaissait en Egypte à l’âge de 81 ans. Il était une figure emblématique de la lutte contre le colonialisme franco-espagnol et un des pionniers de l’Indépendance de l’Afrique du Nord.
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Le 6 février dernier, le Maroc a ignoré la célébration de l'anniversaire de la disparition d’Abdelkrim. Rares sont les journaux marocains qui évoquèrent la date de la disparition de ce résistant rifain exceptionnel. Quant aux caisses de résonance du Pouvoir, les médias audiovisuels, comme à leur habitude, c’est motus et bouche cousu. Et que dire du silence assourdissant du Haut Commissariat aux Anciens Combattants qui, d’habitude, manifeste en fanfare à la moindre occasion le souvenir dit national.
Drôle d’Histoire nationale qui oublie certains de ses authentiques résistants, ces hommes braves qui ont combattu le colonialisme les armes à la main, jusqu’au dernier souffle. Ces hommes sont ignorés de l’Histoire officielle de leur propre pays et absents des manuels scolaires mais ils restent présents dans la mémoire collective du peuple. Certes, on peut priver indéfiniment le peuple de ses héros et de ses symboles qui ont fait son histoire glorieuse mais on n’arrivera jamais à le déposséder de sa mémoire.
L’histoire contemporaine du Maroc ne peut être éternellement monopolisée par quelques personnages, ni être limitée à quelques faits et événements historiques. L’Indépendance du pays, chèrement acquise, ne peut être célébrée, en soulignant certains événements et en glorifiant certains personnages, qui ont marqué l’histoire de ce pays certes, mais en oubliant d’autres héros à qui nous devons tant..

Un leader charismatique
Quelles que soient les circonstances et les négligences de l’histoire officielle, l’anniversaire de la disparition d’un homme de cette envergure ne peut passer inaperçu pour les Rifains et leur diaspora. Malgré le discours dominant, les héritiers du colonialisme n’ont pas réussi à anéantir la mémoire collective de tout un peuple et faire d’Abdelkrim un inconnu ni dans le monde, ni dans le Maroc d’aujourd’hui, et encore moins dans le Rif où son souvenir n’a jamais quitté le cœur des Rifains. Au contraire, ce comportement a largement contribué à sacraliser la biographie de l’homme et à la transformer en une légende vivante pour tous les Rifains et leur diaspora à travers le monde. L'histoire universelle retiendra que Abdelkrim Al Khattabi, connu sous le nom de Héros du Rif, inventeur de la guérilla moderne, brillant diplomate et fin stratège, fut l’un des instigateurs de l’Indépendance des trois futurs Etats nord-africains (Algérie, Maroc, Tunisie). Des historiens, des politologues et des hommes politiques de renom se sont largement intéressés à la biographie et aux différentes étapes de la lutte de ce leader charismatique. Ils évoquent le plus souvent sa grande victoire militaire à la bataille d'Anoual (1921), connue chez les historiens espagnols sous le nom de "Grand Désastre", et son ardent combat mené avec génie, en confédérant toutes les tribus rifaines, longtemps disparates, contre l’invasion franco-espagnole.
 
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Le parcours d’un héros
Digne fils du Rif, il quitte son village natal, Ajdir, dès son jeune âge pour poursuivre des études à Fès, puis en Espagne et s’installe par la suite à Melilla en tant que correspondant d’un journal espagnol. Dans cette ville, il apprivoise la société coloniale espagnole, assimile son style de vie, appréhende son mode de fonctionnement et lui livre par la suite, au cœur du Rif, l'une des batailles les plus rudes de son existence. L’Espagne coloniale, aidée par la France coloniale, fera même usage des armes chimiques contre les populations civiles pour le contraindre à mettre fin à la révolution rifaine (1921-1927) qui avait déjà fait des émules et enflammé les indigènes partout où il y avait trace du colonialisme. En exil, à l’île de la Réunion puis en Egypte, comme en témoignent les archives de différents partis et syndicats, il tisse des liens de fraternité et de solidarité avec de nombreux résistants au colonialisme et il soutient les combattants pour la liberté des peuples dans le monde entier. Humaniste universel et progressiste avant l’heure, comme il apparaît dans ses différents écrits et correspondances, Abdelkrim dénoncera farouchement le colonialisme comme contraire à la civilisation et à l’humanité et ne cessera d’appeler de toutes ses forces à la tolérance, à l’entente et la coopération entre les nations. Dans sa célèbre lettre "aux nations civilisées", datée du 6 septembre 1922, il demanda aux Européens "d’agir pour le bien-être de l’humanité entière indépendamment de toute religion ou de toute croyance".

L’héritage

Plus de quarante-quatre ans après sa mort, la tombe d’Abdelkrim demeure toujours exilée en Egypte. Certes, selon de nombreux témoignages, Abdelkrim a refusé en 1956 de rentrer dans son pays natal tant que le dernier colon ne l’aurait pas quitté et que le pouvoir ne serait restitué au peuple. Aujourd’hui, Abdelkrim ne concerne pas seulement ce Rif qui a tant souffert de hisser avec fierté les racines de ce combattant anticolonialiste exceptionnel et son aura glorieuse qui pèse encore sur la conscience du pouvoir. De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui partout au Maroc et à l’étranger pour réclamer le retour de sa dépouille en terre natale et lui rendre un hommage solennel par des funérailles dignes du résistant libre qu’il était. Le rapatriement de sa dépouille dans son village natal d’Ajdir, la restauration de son QG " Ficina " et sa reconversion en musée portant son nom ne seront que fierté et honneur pour tout le peuple marocain d’hier et d’aujourd’hui et justice sera enfin rendue aux Rifains.

Par Mohamed Sihaddou
le journal hebdo
 
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