Abdallah Aourik : Un globe trotter passionné

agerzam

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Un globe trotter passionné

Après une vie de voyages, ce fervent défenseur de la culture amazighe pose ses valises dans sa ville natale pour se consacrer à son art favori et à la promotion des jeunes artistes.

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C'est une expérience particulière de rencontrer un personnage comme Abdallah Aourik. L'homme, qui semble venir tout droit de l'époque hippie, accueille le visiteur dans un atelier où il expose ses œuvres et celles de jeunes peintres en toute simplicité dans le centre d'Agadir. Après une enfance à Agadir, un événement va marquer sa vie : le tremblement de terre de 1960. Comme beaucoup d'adolescents de la ville, il est envoyé en Belgique pour continuer ses études. Dès lors, le virus des voyages ne le quitte plus. Il passe par la Grande-Bretagne et Cambridge pour étudier l'histoire de l'art, s'envole pour la Suède et l'université d'Omio pour approfondir ses connaissances en sociologie. En 1967, sa route le mène à Berlin : dans le lieu de toutes les effervescences de l'époque, le globe-trotter s'essaie à la peinture, au dessin, à la sculpture. Arts qu'il approfondira par la suite. Son périple « universitaire » prend fin à Rome où il étudie la sculpture durant 2 ans. Aourik semble porter l'Italie dans son cœur car « les Italiens ne se compliquent pas la vie », dit-il avec nostalgie. Sentiment qu'il avoue entretenir toujours à l'égard de son riche passé.
Le démon des voyages le titille toujours et Aourik décide de retourner à Berlin-Ouest. La ville allemande accueille même sa première exposition dédiée à la sculpture et la peinture. L'artiste ajoute, non sans fierté, « mon professeur des Beaux-Arts a invité Picasso à visiter mon travail, ce qu'il a fait ».


Sous le regard de Picasso

En 1970, retour à la case romaine. Il expose et joue aussi dans des petits films, « où je me suis vu interpréter un singe ! », dit-il avec un grand sourire. S'ensuivent des années à parcourir des contrées aussi éloignées que le Népal, les Etats-Unis, la France ou l'Islande, pays où il peint les hommes comme les paysages. Il varie les styles, passant allègrement de l'impressionnisme au cubisme. Artiste complet, il manie avec autant de dextérité la plume que le pinceau : hors du Maroc, Aourik écrit sur l'actualité, sur la culture, sur la préhistoire pour le compte de l'université de Cambridge, pour des journaux américains, suédois car « écrire au Maroc, sous Hassan II, était dangereux ». De ses pérégrinations, il tire des anecdotes croustillantes. « Il m'a fallu onze mois pour revenir de Katmandou au Maroc. Sur le chemin, j'ai été arrêté par Saddam Hussein. Tout artiste à l'époque était suspecté d'espionnage ! », raconte-t-il. Ou encore : « Dans certaines régions du monde, j'avais peine à trouver du papier, j'écrivais alors sur des t-shirts ». Il traverse également les Etats-Unis, le long des 50 états, peignant dans la rue. Il rassemblera la totalité de ce travail à Hawaï en 1986.
Fier de cette casquette d'artiste, il l'est tout autant de sa berbérité. En 2003, il décide de publier son propre journal, « Agadir O'flla », qu'il publie épisodiquement. Ecrit intégralement en français, il est consacré à la culture amazighe sous toutes ses formes. Avec, en point d'orgue, une initiation à l'écriture amazighe, le tifinagh. Il ajoute avec fierté « en tant qu'artiste, je défends la culture amazighe ». L'homme n'a pas la langue dans sa poche et fustige la politique de la culture au Maroc. Selon lui, rien n'est fait pour encourager la culture ni les jeunes artistes amazighes. Entre le Nord et le Sud, la politique d'aide à la culture est clairement en faveur des grandes villes du nord. Il a donc pris le taureau par les cornes et a ouvert deux galeries-ateliers : l'une à Agadir et l'autre à Imssouane, village proche de la capitale du Souss. Il entend ainsi défendre vaillamment les créateurs du Sud.



Magali Letty
Journal l'Hebdo


[ Edité par agerzam le 29/7/2005 13:13 ]
 
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