2005: Rapport du RAC sur les droits Amazighs au Maroc

Agrawal

New Member
Réseau Amazigh pour la Citoyenneté
Déclaration du Réseau Amazigh pour la Citoyenneté à l’occasion du 57-ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme sur la situation des droits linguistiques et culturels amazighs au Maroc durant l’année 2005
Comme à l’accoutumée, le Réseau amazighe pour la Citoyenneté (AZATTA) en célébrant le 57-ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, évoque d’une part, la profonde signification de cette fête internationale qui est en soi une très importante étape de l’histoire de l’humanité et d’autre part, expose la situation et les derniers développements qu’ont connus les droits linguistiques et culturels amazighs au Maroc. Pour toutes ces raisons, le Réseau déclare ce qui suit :
I- Les indicateurs relativement positifs dans le processus de lutte pour les droits linguistiques et culturels amazighes :
A- Croissance de la prise de conscience des droits linguistiques et culturels amazighes à travers essentiellement l’interaction relative et restrictive de certaines revendications légitimes du mouvement associatif amazigh de la part de certaines couches sociétales civiles, politiques officielles, et populaires. Il est également important d’évoquer le regain de vitalité du mouvement associatif amazigh autonome pour qu’il prenne la place qui est la sienne dans la lutte pour les droits des peuples dans un nouveau esprit qui replace la militantisme amazigh au cœur de la lutte pour la démocratie et les droits de l’homme dans leur globalité et leur universalité.
B- Poursuite de la dynamique de création de nouvelles structures associatives intéressées à l’amazighité dans le monde urbain comme dans le monde rural.
C- Emergence du dossier des droits linguistiques et culturels amazighs comme un axe majeur dans les débats et les ordres du jour des organisations des droits humains et des structures des jeunesses politiques, ce qui augure de l’avènement d’une prise de conscience relative de l’importance de ces droits . Toute fois, cette situation reste confinée au niveau des positions de principe, incapables de mettre au clair toutes les dimensions et les fondements du dossier revendicatif du mouvement amazigh.
D- L’Etat, à travers le ministère de la Communication, est revenu dans quelque programmes sur la dialectisation de l’amazighe dans la première chaîne de télévision nationale (TVM) et la mise en place d’un télé journal unifié, en dépit de son insuffisance sur les plans du temps et du contenu.
II – Situation générale des droits linguistiques et culturels :
Sans exagération aucune, il est possible d’avancer que l’état de ces droits n’a connu aucune avancée sensible au fond. Les droits et les principes généraux des droits de l’homme ne sont pas encore mis en œuvre tels qu’ils sont universellement reconnus. Ainsi le cas pour le principe de l’égalité et du droit de participation dans la vie culturelle, politique et économique, le droit à l’expression, à l’opinion, à être reconnu en tant que personnalité juridique, de bénéficier de la protection légale requise et partant l’éradication de toutes les formes de discrimination consacrées dans une grande partie de l’arsenal juridique national. Il est également possible dans ce cas d’évoquer le droit au développement des ressources intellectuelles amazighes indiquées dans les objectifs de la décennie mondiale pour le développement culturel.
Grosso modo, les plus saillantes violations en 2005 affectant les droits objet de cette déclaration, sont comme suit :
1- Le droit à la reconnaissance et au respect des droits linguistiques et culturels :
Le mouvement associatif amazigh ne cesse d’axer ses revendications sur la reconnaissance constitutionnelle explicite de l’amazigh en tant que langue officielle, consacrant ainsi la diversité et la pluralité linguistique et culturelle au Maroc et répondant aussi à l’esprit du droit international relatif aux droits des peuples. Le mouvement amazigh déploie différents efforts et plaidoiries diversifiées visant à éradiquer tous les textes légaux consacrant la discrimination dont notamment le texte de la Constitution qui ne reconnaît comme langue officielle que la langue arabe. Cet état de lieu, a affecté négativement les politiques gouvernementales, leurs plans, programmes et budgets destinés au secteur de l’information, l’enseignement, l’administration et la justice. La langue mère est devenue par la force des choses exclue de toutes les facettes de la vie publique.
2- Concernant le droit à la personnalité juridique :
En dépit de la ratification de la nouvelle loi régissant l’état civil N° 99-37 et l’annulation par le nouveau texte de la condition de l’arabité pour baptiser les nouveaux-nés, il est possible de constater encore et dans plusieurs circonscriptions urbaines et au sein des services de l’état civil relevant de certains consulats marocains à l’étranger, que les autorités centrales et locales continuent de suivre une politique de discrimination contre Les amazighs et de violer les droits des citoyens en leur personnalité juridique protégée par les Déclarations Internationales des Droits Humains, notamment la Convention internationale relative aux droits civils et politiques. Parmi les cas qui ont eu l’audace de rendre public les violations dont ils ont fait l’objet, nous signalons le nom de Tihia à Rabat, née le 26 octobre 2005 dont le père a été interdit de lui choisir ce nom et le cas de Yuba à Lhucima au Rif né le 26-10-2005 ; tous ces cas sont actuellement conduit en justice pour revendiquer leur droit à une personnalité juridique et le droit de préserver sa propre identité culturelle et linguistique ;
D’autres cas de violation du droit à la personnalité juridique des amazighs signalés en 2004, et dont les répercussions continuent de se prolonger, persistent encore dans les tribunaux et les bureaux d’état civil marocains alors que des enfants amazighs restent privés d’une identité et d’une personnalité juridique pour être protégés, ce qui constitue une grave atteinte aux droits de l’homme universels.
Si le droit à la personnalité juridique est bafoué de manière flagrante, les noms de lieux connaissent à leur tour la même chose, les autorités procèdent de façon continue au changement de noms de lieux amazighs par d’autres arabes.
3- Liberté d’expression et d’opinion et le droit à la fondation d’associations :
La liberté d’expression et d’opinion et le droit à la fondation d’associations est un droit consacré constitutionnellement au niveau de son article 9, même chose et de façon plus étendue dans l’article 8 du pacte relatif aux droits sociaux et économiques ainsi que les articles 21 et 22 du pacte relatif aux droits civils et politiques, ces deux pactes ont été signés et ratifiés par le Maroc et publiés au bulletin officiel depuis bientôt 24 ans. En dépit de tout cela, cette année, a connu beaucoup de violations de ces droits qui ont eu un impact négatif sur la dynamique associative. Il a été lieu de constater également les incidences des décisions administratives souvent orales visant à refuser l’octroi du dépôt de dossier de création de l’association ou son renouveau et le refus de l’autorisation d’organiser des meetings publics et pacifiques. Le refus s’étend même aux rassemblements internes. Ces cas de figure peuvent être résumés comme suit :
● Les autorités centrales de Rabat continuent de refuser, depuis 15/7/2004, de délivrer un récipicé de dépôt de dossier relatif à la création du Réseau Amazigh pour la Citoyenneté (AZATTA), et le reçu de dépôt du dossier relatif au renouvellement du Bureau exécutif du RAC lors de son premier congrès national qui a eu lieu les 15, 16 et 17 Juillet 2005 alors que ce dossier a été mis aux dépend des autorités locales de Rabat le 17-08-2005 ;
● Les autorités locales au Maroc continuent de refuser la délivrance du récipicé de dépôt de dossiers des sections d’AZETTA dans les villes suivantes : Rabat, Khémissset, Casablanca, Bouyzakerne, Timoulay, Ifrane anti-atlas, Oulmas, Taghjijt et Agadir… ;
● Refus de délivrer un récipicé de dépôt de dossier à l’association Amzday Anamur Amazigh ;
● Refus de délivrer le récipicé de dépôt de dossier à l’association Andaz Amazigh à El hajeb pour la cinquième année consécutive.
● Refus de délivrer le récipicé de dépôt de dossier à l’association « Imal pour le l’action et le développement » à Mast ;
● Usage de la violence par les agents de sécurité à Tata pour disperser les grévistes du « camping des malades et des marginalisés » organisé par l’instance de lutte pour la gratuité et la qualité des soins sanitaires et la destruction de leurs tentes et saisi de leurs biens et usage de la violence lors des manifestations qui ont eu lieu dans différentes régions amazighes ( Tamasint, Ait baamran…)
● Interdiction de parler en sa langue maternelle pour un éléve du collège Abd el krim el khtabi à Agadir pendant le mois de Décembre 2004 en le privant de son droit de scolarité pour une période de 15 jours ;
● Insulte et offense pour M. Mohamed lhamouchi, membre de l’association « oussan» à Midar ,Nador le 26/03/2005 et le priver de son droit à l’expression ;
● Insulte et offense pour un citoyen amazigh à Tiznit de la part d’un membre du PJD ( parti politique marocain connu par son obscurantisme et son panarabisme), en lui interdisant de suivre la conférence que présentait le membre cité le 05-04-2005;
● Atteinte à la dignité du citoyen Mohamed Boutizi à Agadir le 03-01-2005, par des agents de sécurité qui ont utilisé la violence en le frappant et le faisant souffrir ;
A suivre...
 
Rapport du RAC (Suite)

● Arrestation de M. Mohamed Khayi et ses camarades le 31-07-2005 à Warzazat en les conduisant devant la justice qui leur a fait subir des accusations fausses et imaginaires.
● Interdiction du droit de la libre ciculation pour M. Addi Lihi à Gulmima par la Délégation de l’éducation nationale de Rachidia qui a refusé de lui délivrer l’autorisation pour quitter le territoire national le 10-09-2005, ce qui l’a privé de participer à une réunion du Congrès Mondial Amazigh à Tizi ouzou en Algérie.
● Interdiction au mouvement des élèves de Tinghir de célébrer la Nouvelle Année Amazighe en janvier 2005 dans un établissement scolaire local;
● Interdiction à l’Association culturelle Usan à Midar d’organiser une marche pacifique à l’occasion du printemps amazigh le 20-04-2005 et la priver de son droit à l’expression et la manifestation ;
● Interdiction par force d’un Sit-in organisé par le réseau national des associations démocratiques amazighes (amyaway) à Rabat le 19-04-2005 ;
● Interdiction à l’association Tamatart à Inzegane de célébrer la journée mondiale de la Femme le 27-03-2005 ;
● Interdiction aux associations de Taouada à Tiznit le 12-01-2005, d’utiliser des salles publiques pour l’organisation de leurs activirés;
● Interdiction aux paysans et éleveurs à Tigas, Khémissat, d’organiser un sit-in le 03-12-2004 ;
4- le droit à l’habitat, à la propriété immobiliaire et à l’exploitation des terres agricoles:
● les autorités locales de Bouigra ont procédé à la destruction de l’habitat de Mme. Rkia Bent Bihi Ait Rais le 18-10-2004 sans aucun prétexte et l’ont laissé affronter sont sort qui est l’errance et la marginalisation ;
● les autorités locales de Drarka à Tikiouine ont procédé à la destruction des habitats et l’arrachement de terres agricoles des habitants du douar Ait Hmad le 19-11-2004 ;
● Interdiction aux habitants d’origine d’Ait Hnini à Khénifra de bénéficier des richesses de la forêt à cause des compagnes de déforestation dont sont victimes les différentes forêts avoisinantes ;
● Les autorités locales et les conseils élus de Dcheira ont procédé à des déplacements illégaux des habitants de Tamlast en leur arrachant leurs terres et la coupure des arbres de l’Arganier (arbre rare et utile au développement de la région et source de vie pour plusieurs familles), et ce sous prétexte de faire de ces lieux une place pour les déchargements des déchets, ce qui constitue une violation des droits humains et un véritable danger pour les populations avoisinantes et pour la nature ;
4- Le droit à l’information, à l’enseignement et à l’usage de la langue mère dans les administrations publiques et devant les tribunaux :
Etant donné l’absence d’une protection constitutionnelle de la langue mère des amazighs, les autorités ont poursuivi leurs plans d’action qui marginalisent la langue mère des amazighs dans les médias et l’enseignement, à l’exception des dix minutes octroyées l’édition du journal amazigh à la télévision et aux seize heures de diffusion dans le secteur de la radio diffusion. En revanche, les populations amazighes font l’objet à de multiples violations devant les administrations publiques leur imposant l’usage d’une langue autre que celle qu’ils véhiculent dans leur quotidien et qu’ils ne comprennent pas. Ainsi, devant l’appareil judiciaire, ils sont pris pour des étrangers, dans la mesure où il n’y a aucun texte juridique national qui permet l’usage de la langue amazighe. Les textes en présence (le dahir d’arabisation et de marocanisation et d’unification de janvier 1965) stipulent l’usage de la langue arabe et au cas de sa non compréhension, il est possible de faire appel à un traducteur qui explicite en arabe les déclarations des amazighophones. Soulignons que le Maroc ne dispose d’aucun régime législatif permettant la présence d’experts en traduction de l’amazighe vers d’autres langues ; en plus, l’adoption de cette démarche affecte la dignité des amazighs qui sont traités en tant qu’étrangers dans leur propre pays. Concernant le droit à l’enseignement, les autorités officielles ont poursuivi, durant l’année 2005/2006, l’intégration des dialectes régionaux au lieu de la langue amazighe unifiée pour tous les Marocains, bafouant ainsi le principe d’égalité entre les langues et les cultures. En dépit de ce qui a été intégré, le taux des bénéficiaires parmi les millions d’élèves marocains reste toujours restreint, en plus les autres programmes scolaires continuent d’être discriminatoires en consacrant une position inférieure à l’amazighité et en marginalisant son histoire, sa civilisation et sa culture.
5- les droits économique et sociaux :
Le dernier rapport de l’Indice du Développement Humain (IDH) de 2005, publié par le Programme des Nations Unies au Développement (PNUD) a classé le Maroc à la 124ème position, d’autant plus que l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) a classé le Maroc à la 178ème position en 2005 alors qu’il était classé en 2004 à la 177ème position ; des tels indicateurs reflètent clairement l’état des droits économiques du peuple marocain et reflètent en même temps le degré de respect par l’Etat du droit de participation dans la vie économique et la garantie d’une sécurité économique, d’une justice sociale et d’une administration publique transparente et citoyenne. Alors que le gouvernement devait revoir sa politique sociale, ce dernier a persisté à l’adoption de programmes ayant entraîné la privatisation de la majorité des secteurs à caractère social. L’Etat est passé ainsi au rôle d’un gendarme au service du patronat.
En célébrant ce 57ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Bureau exécutif du Réseau Amazigh pour la Citoyenneté qui entend féliciter le mouvement des droits humains rationnel, défendant les droits des peuples et combattant pour un autre Maroc et un autre Monde possibles où règnent les droits humains dans leur globalité et leur indivisibilité, appelle à cette occasion tous les acteurs dans les domaines des droits culturels, civils, politiques et économiques à adhérer aux revendications du mouvement associatif indépendant amazigh pour :
1- La reconnaissance officielle par l’Etat marocain des droits linguistiques et culturels amazighs à travers l’élaboration d’une constitution démocratique qui met en œuvre aussi bien la séparation des pouvoirs, que celle de la religion de la politique et de l’Etat, la reconnaissance de l’égalité entre langues et cultures, l’homme et la femme et la levée de toutes les formes de discriminations dans la législation nationale et l’intégration de la législation internationale à part entière dans la législation nationale.
2- Le respect des libertés publiques, des droits d’opinion et d’expression, du droit de création d’associations et de la liberté de rassemblement, à travers la révision des législations en vigueur, l’annulation de tous les textes qui entravent la mise en œuvre de ces droits et la remise aux associations victimes d’abus administratifs de leur droit au récipicés de dépôts de dossiers ainsi que la révision des politiques à caractère sécuritaire en matière de rassemblements publics.
3- Consécration de politiques en matière d’information, d’enseignement, d’administration et de justice qui respectent ce qui suit :
A- Le droit des amazighs et de l’amazighité au plein accès aux médias audiovisuels publics libres et autonomes qui prennent en considération d’abord les principes de pluralité, diversité et d’égalité entre les langues et les cultures, puis la langue mère en tant qu’idiome unifiée de tous les Marocains sans exception et enfin des programmes fixant des objectifs pour faire connaître et promouvoir la question amazighe et l’éducation aux droits de l’homme et droits des peuples et qu’ils soient dotés de moyens à même de leur permettre de promouvoir l’amazighité.
B- Institutionnalisation de l’amazighité à travers la mise en place d’institutions juridiques publiques, autonomes sur les plans administratifs et financiers et qui seront dotées d’attributions de standardisation et d’unification de la langue amazighe, l’archivage du patrimoine culturel, juridique et artistique amazigh comme première étape visant l’intégration totale de l’amazighité dans toutes les facettes de la vie quotidienne : Administration, enseignement, justice, médias, culture.
C- Réforme du Dahir de 1965 de façon à ce que l’amazigh devient la langue de la justice au Maroc et l’annulation de toutes les réformes apportées à la loi de la procédure pénale privée et l’introduction de la langue amazighe dans le système judiciaire au sein des instituts de formation dont l’Institut supérieur de la magistrature.
4- Mise en œuvre du volet droit de la législation relative à l’état civil à travers l’obligation des fonctionnaires chargés de mettre en application ces lois et le respect de la personnalité juridique des amazighs et lever toutes sortes d’interdiction des noms propres personnels et noms de lieux qui doivent récupérer leurs nominations d’origine amazighe et comptabiliser les gens impliqués dans les violations de ces droits.
5- Mise en place d’une politique visant l’instauration de la justice sociale et la sécurité économique et la récupération par les propriétaires d’origine de leurs terres et s’abstenir à la politique de déplacement arbitraire ainsi que l’indemnisation des victimes conformément aux lois en vigueurs et qui prennent comme critère les dimensions morale et affective relatives à la terre et la dimension matérielle actuellement et dans l’avenir.
Bureau exécutif du Réseau Amazigh pour la Citoyenneté
(AZETTA) RABAT le 03/12/2005
 
Back
Top