Le verbe « agh » en Tachelhit : une véritable énigme !

Agraw_n_Bariz

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D’ordinaire, on arrive toujours à dégager l’idée centrale que sous-tendent les différentes acceptions d’un mot. Car la polysémie n’est que le produit des différents usages métaphoriques que les locuteurs d’une langue font subir au vocabulaire de cette langue.

Or la métaphore garde toujours quelque chose du sens originel d’un mot. Par ailleurs, d’une analyse sémantique de ses différentes acceptions, on parvient toujours à reconstituer le sens originel de ce mot lorsqu’il est perdu. Ce sens originel n’est, en quelque sorte, que le « dénominateur commun » sémantique des différentes acceptions du mot, autrement dit, l'idée centrale qu'elles partagent en commun.

Or voici un verbe amazigh totalement énigmatique ! C’est le verbe AGH.

On connaît tous AGH dans le sens d’aboyer : « ar ittagh waydi », « ar ttaghen idân ».

Mais que pourrait-il y avoir de commun entre cette acception et celles contenues dans le AGH des expressions suivantes:

- Yagh iyi kra = je suis malade
- Mad't yaghen ? = que lui arrive-t-il ?
- Ur’t yagh walu = il n’a rien
- Ur’tt yagh walu = elle n’est pas mal ( en parlant d’une chose que l’on trouve plutôt bien )

- Yagh’k id ? = es-tu disponible ?
- Ur iyi’d serk yagh = j’ai pas de temps à te consacrer
- Ur ak id ittagh ! = tu n'as jamais le temps !
- Yagh iyi’d = j’ai tout mon temps

Vous aurez remarqué que dans ces dernières expressions, le verbe AGH est invariablement mis à la 3ème personne du singulier ( comme le verbe pleuvoir en Français ).

Vous auriez, sans doute, traduit le verbe AGH dans les expressions « yagh iyi kra », « urt yagh walu » … par « être affecté » ou quelque chose d'équivalent . Mais quel rapport avec AGH dans le sens de aboyer ?

Et comment traduiriez-vous le AGH de « yagh’k id », « ur iyi’d serk yagh », "ur ak id ittagh" ?
 
J'ajouterai un autre sens

agh: s'allumer
tagh tifawt: la lumiere s'est allumé
tagh d tafukt: le soleil s'est levé...

forme factive; ssagh: allumer...

Mon idée est que le verbe agh renvoie à l'idée d'occupation d'un lieu au sens où qqc va se distribuer, de disperser dans un endroit (la lumiere dans une piece, le mal dans un corps)
 
agoram said:
J'ajouterai un autre sens

agh: s'allumer
tagh tifawt: la lumiere s'est allumé
tagh d tafukt: le soleil s'est levé...


J’avais oublié ce sens, les soussis utilise REGH, mais AGH me semble plus correcte. REGH veut dire aussi chauffer.
 
agoram said:
Mon idée est que le verbe agh renvoie à l'idée d'occupation d'un lieu au sens où qqc va se distribuer, de disperser dans un endroit (la lumiere dans une piece, le mal dans un corps)


Possible, mais dans ce cas, on écarte l’acception « aboyer » et celle contenue dans « ur’k id yagh » ( tu n’as pas le temps ).
 
Le sens pris par le verbe AGH dans « yagh iyi kra » ( je suis malade ), on peut le retrouver dans toute une série d’expressions.

En examinant les différents contextes d’utilisation de cette acception de AGH, on pourra délimiter, en les explicitant, ses contours sémantiques et dégager l’idée centrale commune à ses différentes nuances.

« Eprouver quelque chose » serait l’idée centrale qui semble se dégager en examinant les cas suivants :

1-Eprouver une douleur :

-Yagh iyi ugayu = j’ai mal à la tête
-Yagh iyi wakhws = j’ai mal à la dent

2-Eprouver un sentiment quelconque :

-Yagh iyi umarg nnek = tu me manques
-Yagh iyi umarg n tmazirt = j’ai le mal du pays
-Tagh iyi tgodi = je suis triste

3-Eprouver un besoin, une envie :

-Yagh iyi lâz = j’ai faim
-Yagh iyi fad = j’ai soif
-Aghen iyi ibezdân = j’ai envie d’uriner
( Finalement, le verbe AGH peut se mettre aussi à la 3ème personne du pluriel. )


4-Eprouver une sensation quelconque :

-Yagh iyi usemmid = j’ai froid
-Yagh iyi lehma = j’ai chaud
-Aghent iyi temlillay = j’ai le vertige
-Tagh iyi tuchent = je suis engourdi
 
Et si on allait voir du côté des autres formes verbales de AGH !

1- La forme factitive ( faire faire ).
La forme factitive d’un verbe s’obtient en préfixant le verbe d’un S ou deux :

Exemple

- Tssaght iyi agayu ( tu m’as donné mal à la tête )
- Ar iyi tssagh timlillay ( elle me donne le vertige )
- Tisent ar tessagh fad ( le sel donne soif )

Tiens tiens ! on dit aussi « ar tessagh aghrom » !
Et si le verbe "acheter" en Tachelhit venait de là !

2- La forme de réciprocité, qui s’obtient en préfixant le verbe d’un M ou deux.

Le seul exemple que je connaisse est « mmagh » ( se disputer ). Y a-t-il un rapport avec aboyer ?

A moins que « mmagh » ne soit que la forme de réciprocité du verbe « negh » ( tuer ), car le « n » de mnegh pourrait tout à fait se contracter en « m » et « mmegh évoluer en « mmagh », pour signifier « s’entretuer ».

Mais il y a de fortes chances que « mmagh » provienne de « agh » qui aurait, dans ce cas, d’abord signifié « disputer ».
En aboyant, les chiens chleuhs ne feraient donc que disputer !
 
Agraw_n_Bariz said:
- Yagh’k id ? = es-tu disponible ?
- Ur iyi’d serk yagh = j’ai pas de temps à te consacrer
- Ur ak id ittagh ! = tu n'as jamais le temps !
- Yagh iyi’d = j’ai tout mon temps

le sujet des verbes conjugués à la troisieme personne du singulier est implicite , il s'agit de "lhâl" ou de "azmz"..


yagh yi d nit lhâl....litteralement :"j'ai tout mon temps" mais souvent dit de maniere ironique pour signifier " j'ai pas que ça à faire".
 
Agraw_n_Bariz said:
Et si on allait voir du côté des autres formes verbales de AGH !

1- La forme factitive ( faire faire ).
La forme factitive d’un verbe s’obtient en préfixant le verbe d’un S ou deux :

Exemple

- Tssaght iyi agayu ( tu m’as donné mal à la tête )
- Ar iyi tssagh timlillay ( elle me donne le vertige )
- Tisent ar tessagh fad ( le sel donne soif )

Tiens tiens ! on dit aussi « ar tessagh aghrom » !
Et si le verbe "acheter" en Tachelhit venait de là !

2- La forme de réciprocité, qui s’obtient en préfixant le verbe d’un M ou deux.

Le seul exemple que je connaisse est « mmagh » ( se disputer ). Y a-t-il un rapport avec aboyer ?

A moins que « mmagh » ne soit que la forme de réciprocité du verbe « negh » ( tuer ), car le « n » de mnegh pourrait tout à fait se contracter en « m » et « mmegh évoluer en « mmagh », pour signifier « s’entretuer ».

Mais il y a de fortes chances que « mmagh » provienne de « agh » qui aurait, dans ce cas, d’abord signifié « disputer ».
En aboyant, les chiens chleuhs ne feraient donc que disputer !

je pense que le sens "allumer" peut s'appliquer aux differents exemples qu tu as donné

tssaght yi agayyu: tu m'as allumé la tete etc...

agraw a ecrit Tiens tiens ! on dit aussi « ar tessagh aghrom » !
Et si le verbe "acheter" en Tachelhit venait de là !



je n'ai pas compris ...tu veux dire :elle achete du pain?..ou "elle "colle" le pain"....

dans le premier cas , je ne pense pas qu'il y'ait un rapport avec agh...puisque le verbe acheter se dit "sghu"...dans le deuxieme cas "coller le pain" (je dit "coller le pain "car je ne sais pas comment on pourrait dire en français..il s'agit en fait de l'action qui consiste à "coller la pate sur la surface chaude d'un four) le verbe est "selgh"...


Un exemple qui va dans le sens que j'ai donné plus haut (sens de diffuser, se repandre, occuper un endroit)

issagh kullu aghrum i wakal: il a eparpillé tout le pain par terre.
 
agoram said:
Mon idée est que le verbe agh renvoie à l'idée d'occupation d'un lieu au sens où qqc va se distribuer, de disperser dans un endroit (la lumiere dans une piece, le mal dans un corps)

Par exemple:
Kulu isagh akal i uhânu...Il a mit de la terre partout dans la chambre....


Il y'a aussi la signification suivante:
Agh: Impreigner...

Iagh elhenna gh ufus nes...Le henné a bien imprégné ces mains...
 
;;;;;;;;;;;
; yagh :: atteint / affecé // yagh éyyé // yaght // yagh agh // yagh anx ::
;;;;;;;;;;;;;;;
; on ne dit pas : yagh éyyé ufus , mais : tagh éyyé tmaD'unt gh ufus /// llan gigi waTTan gh ufus ///
;;;
; ;; yagh éyyé ugayyu ???
;; tagh éyyé tmaD'unt gh ugayyu nu :: ma personne est affecté / atteinte par la maladie )))
; regh :: chauffer
; rrghut :: la chaleur .
;;
; lh'ma : mot d'origine arabe ( th'ma luqqt: c du l'arabe mal prononcer :: alwaqqtu ha amiya))
 
butkira said:
;;;;;;;;;;;

; regh :: chauffer
; rrghut :: la chaleur .
;;
; lh'ma : mot d'origine arabe ( th'ma luqqt: c du l'arabe mal prononcer :: alwaqqtu ha amiya))

regh: se chauffer, etre chaud
ssregh: chauffer

tîrghi: chaleur
 
agoram said:
le sujet des verbes conjugués à la troisieme personne du singulier est implicite , il s'agit de "lhâl" ou de "azmz"..


Exactement Agoram ! Et cette trouvaille pourrait nous renseigner sur les autres utilisations du verbe AGH.

En tout cas, lorsque le verbe AGH est employé avec la particule « D » d’orientation ( yagh’d ) comme dans « yagh’k id », le sujet du verbe AGH est toujours LHAL, ce dernier étant entendu dans le sens de LOQT ou AZEMZ( le temps ).

C’est justement le notion de temps que l’on retrouve dans l’expression « yagh’k id », puisqu’elle signifie « tu as le temps ».

On dit bien parfois « ur a’t id ttagh loqt » pour signifier « il n’a jamais le temps ».
 
agoram said:
yagh yi d nit lhâl....litteralement :"j'ai tout mon temps" mais souvent dit de maniere ironique pour signifier " j'ai pas que ça à faire".


L’une des particularités du verbe AGH, c’est qu’il est souvent employé dans des expressions ironiques, et l’ironie s’entend souvent dans l’intonation exclamative de l’interlocuteur.

Exemples :

- Is’k id yagh ?! ( as-tu vraiment du temps à perdre ? ! ), mais voici ce que, souvent, on sous-entend ironiquement : ( tu parles vraiment pour ne rien dire ! )

- Awa yagh’k id ! ( tu as vraiment du temps à perdre ! ) , mais ce qui est sous-entendu, c’est : ( tu n’as rien d’autre à faire ? ! )

- A’k id ur yagh ! ( ne perds pas de temps ! ) ou encore ( vite ! et que ça saute ! ), mais ce qui est sous-entendu, si l’intonation y est, c’est tout le contraire, à savoir : ( laisse tomber ! )
 
agoram said:
j

je n'ai pas compris ...tu veux dire :elle achete du pain?...


Oui, car je voulais suggérer l’idée que le verbe SEGH ( acheter ) puisse être une dérivation de la forme factitive de AGH.

En revanche, le verbe SAGH je ne connais pas. Je connais SELGH, dans le sens de boucher un trou ou étaler une pâte sur une surface ( Ex : étaler du plâtre sur un mur pour en boucher les fissures et les trous ).
 
Agraw_n_Bariz said:
Oui, car je voulais suggérer l’idée que le verbe SEGH ( acheter ) puisse être une dérivation de la forme factitive de AGH.

En revanche, le verbe SAGH je ne connais pas. Je connais SELGH, dans le sens de boucher un trou ou étaler une pâte sur une surface ( Ex : étaler du plâtre sur un mur pour en boucher les fissures et les trous ).

chez nous

acheter se dit "sghu"... c'est vrai qu'on a tendance à garder le "u" à la fin de bcp de verbes (gu=etre, kku= passer....).

Je vais donner quelques exemples qui vont dans le sens que j'ai evoqué plus haut (se repandre, occuper un lieu)...


awal n rebbi yagh kullu ddunit: la parole de dieu est repandue partout

inna ka tkkit aghen t iclhîyen: les chleuhs sont partout où tu vas.

Neker yagh uzal: reveille toi il est tard (au sens ou la journée est dejà bien entamée).

ici on pourrait penser que le sens est "allumer" mais on a la meme phrase avec "yîd" et "tillas"...

mani trit , yagh yîd: où vas tu, il est tard (au sens où la nuit est tombé depuis longtemps)..

ur illi sul mani nkka aghent tillas: on ne peut plus aller nul part, il fait sombre
 
agoram said:
Je vais donner quelques exemples qui vont dans le sens que j'ai evoqué plus haut (se repandre, occuper un lieu)...


awal n rebbi yagh kullu ddunit: la parole de dieu est repandue partout

inna ka tkkit aghen t iclhîyen: les chleuhs sont partout où tu vas.

Neker yagh uzal: reveille toi il est tard (au sens ou la journée est dejà bien entamée).

ici on pourrait penser que le sens est "allumer" mais on a la meme phrase avec "yîd" et "tillas"...

mani trit , yagh yîd: on vas tu, il est tard (au sens où la nuit est tombé depuis longtemps)..

ur illi sul mani nkka aghent tillas: on ne peut plus aller nul part, il fait sombre



Merci Agoram,

AGH, dans le sens de se diffuser, se répandre, s’étaler, imprégner, n’est malheureusement plus d’usage dans le Souss, comme quoi la langue de Taznaght est bien plus authentique !

Pourrais-tu nous donner des exemples relatifs à d’autres contextes d’utilisation ?
 
Une autre acception est possible du verbe AGH et que je soupçonne être usitée chez les Kabyles : c’est AGH dans le sens de saisir, tenir, appréhender, attraper.

Il se trouve que, dans certaines régions kabyles, on dit AKH pour dire « tiens », « attrape » ...

Or, et les linguistes amazighisants le savent, il est fort probable que AKH ne soit qu’une réalisation possible de AGH.

J’aimerais bien qu’un Kabyle nous dise comment se décline, chez eux, le verbe AKH dans le sens de tenir, attraper …
 
Agraw_n_Bariz said:
Une autre acception est possible du verbe AGH et que je soupçonne être usitée chez les Kabyles : c’est AGH dans le sens de saisir, tenir, appréhender, attraper.

Il se trouve que, dans certaines régions kabyles, on dit AKH pour dire « tiens », « attrape » ...

Or, et les linguistes amazighisants le savent, il est fort probable que AKH ne soit qu’une réalisation possible de AGH.

J’aimerais bien qu’un Kabyle nous dise comment se décline, chez eux, le verbe AKH dans le sens de tenir, attraper …

en tachelhiyte on dit "hagh" pour dire "tient"... (haghat:tenez).... on ne peut pas vraiment dire que c'est un verbe puisqu'on ne le conjugue pas en d'autre temps que l'imperatif

on dit aussi "hak" "hakat"....

sans doute que le "akh" des kabyles n'est qu'une prononciation particuliere de notre "hagh"...
 
agoram said:
en tachelhiyte on dit "hagh" pour dire "tient"... (haghat:tenez).... on ne peut pas vraiment dire que c'est un verbe puisqu'on ne le conjugue pas en d'autre temps que l'imperatif

on dit aussi "hak" "hakat"....

sans doute que le "akh" des kabyles n'est qu'une prononciation particuliere de notre "hagh"...



HAK, on le dit aussi dans le Souss ( et même en Darija ! ), mais il ne s’agit, sans doute, que d’une corruption ( altération ) de votre HAGH.

Autre chose : que HAGH ne se conjugue qu’à l’impératif, ne l’empêcherait pas d’être un verbe.

Par ailleurs, si HAGH n’était qu’une onomatopée, on ne dirait jamais HAGHAT, à la 2ème personne du pluriel.

Pleuvoir, en Français, ne se conjugue qu’à la 3ème personne du singulier, mais cela ne l’a jamais empêché d’être un verbe !
 
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